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Ma nature profonde..
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13 décembre 2016

Le grand blond à la terreur noire

Il était une fois un beau Viking haut de 2 mètres et large de 140 kgs, qui répondait au doux nom de Rollon. Enfin, Rollon, c’est son nom francisé, car dans son lointain pays scandinave, il s’appelait Hrólfr, qui pourrait se traduire par "le marcheur", vu qu’il était si grand qu’aucune monture ne pouvait le porter et que par conséquent il se déplaçait en marchant.

Or donc, à force de multiplier les raids, Rollon et sa bande de Vikings n’arrivaient plus à soutirer quoi que ce soit des bords de Seine épuisés par les pillages et les tributs (Danegeld dans le texte) qu’ils passaient leur temps à réclamer aux villageois. Ils se mirent donc à exploiter directement le pays, à le coloniser et à le contrôler. Et quand je dis "le pays", je ne parle pas uniquement de la région qui aujourd’hui porte leur nom. Car les grands blonds à la Terreur noire ne limitaient pas leurs exactions aux rivages de la Mer du Nord et de la Manche, ils daignaient pousser le snekkar jusqu’en Atlantique, longeant le littoral ibérique et se répandant en Méditerranée, de l’Espagne à la Toscane, en passant par la Provence.

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Devant leurs assauts répétés, la population avait fui la Neustrie en laissant veau, vache et enfants. Le pillage viking était en effet systématique et succédait aux razzias saisonnières. C’est comme ça que Rollon se retrouva un beau jour maître de la région de Rouen, c’est-à-dire un peu trop près du cœur du royaume franc, ce qui ne manqua pas de déstabiliser le roi de France Charles le Simple, petit-fils de Charles le Chauve [contrairement à ce que l’on pourrait supposer, Charles le Simple n’était pas un benêt mais un homme au jugement loyal et droit, simplex en latin signifiant le Sincère].

Or, en 911, des princes du royaume franc mirent en déroute l’armée de Rollon devant Chartres. Ce fut le moment idéal pour suggérer à Rollon et à sa bande d’en finir avec leur manie de tout brûler et de tout détruire. La proposition ne pouvait pas mieux tomber, les Normands commençant à fatiguer de devoir envahir et envahir sans arrêt. C’est vrai, quoi. Ils n’avaient pas que ça à faire, non plus…

Le marché proposé par Charles le Simple, retenu par les historiens sous le nom de traité de St-Clair-sur-Epte, était le suivant : le roi de France confiait aux Normands la défense des territoires entre l’Epte et la mer, qui deviendraient plus tard le duché de Normandie. En retour, les Normands devaient prêter fidélité au roi et tous se faire baptiser.

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Rollon accepta et, à la suite de sa conversion au Christianisme, prit le nom de Robert. Toute sa bande se fit aussi baptiser.

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Il faut bien reconnaître que Rollon, pardon : Robert, puisque c'est le nom qu'il reçut à son baptême, était un homme de parole : les Normands ne revinrent jamais au paganisme. Rollon arrêta les attaques contre les terres du roi Charles le Simple et empêcha même d’autres flottes vikings de remonter la Seine pour piller.

Quant au serment de fidélité, il se déroula de la manière suivante :

Les comtes [*] se rassemblèrent autour du roi qui attendait sous une immense tente sur les bords de l’Epte, à St Clair, dans l’actuel Val d’Oise. Les Normands entrèrent avec à leur tête Rollon qui s’approcha du roi Charles le Simple assis sur son trône.

Selon l’usage, Rollon devait s’agenouiller et baiser le pied royal. Refusant ce geste de soumission, il demanda à un de ses hommes de le faire à sa place, mais ce dernier ne se trouva guère plus enclin à se prosterner. Alors Rollon saisit le pied du roi pour le porter à ses lèvres en signe d’allégeance (le chef viking mesurait deux mètres, je rappelle…).

Ce qui devait arriver arriva, le roi partit à la renverse avec son trône, et c’est un roi hilare, empêtré dans sa tunique, qui se releva tant bien que mal tandis que tout le monde avait sorti son épée. Mais le rire du roi gagna toute l’assemblée. Finis les raids vikings !

Rollon profita des bonnes dispositions du roi de France pour demander la main de sa fille Gisèle, après quoi, transporté d’amour, il déploya un zèle considérable pour relever les abbayes qu’il s’était donné tant de mal à mettre en ruines, il rebâtit les villages, agrandit son comté malgré l’hostilité de ses puissants voisins (notamment le comte de Flandre) et d’autres bandes vikings à l’intérieur même de la Normandie.

C’est de cette époque que datent les noms en -beuf (du norrois bud qui signifie demeure) : Elbeuf, Quilbeuf ; les noms en -fleur (de flodh, signifiant baie) : Harfleur, Honfleur (horn-flodh = embouchure du tournant) ; le nom Dieppe, de diup, profond ; Houlgate, de gate, rue, etc.

La Normandie vivait enfin en paix, on disait que les charrues pouvaient dormir dans les champs. On disait aussi que Rollon avait attaché un anneau d’or à un arbre de la forêt de Roumare en mettant au défi les voleurs de venir le dérober !

Ici s’achève l’histoire de Rollon, l’aventurier scandinave qui n’avait pas froid aux yeux.

Voilà. J'espère que ça vous a plu, et je vous dis à bientôt pour la suite!!

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N.B. Par simplification, les historiens présentent Rollon comme le premier d’une dynastie prestigieuse, celle des ducs de Normandie. En réalité, il n’a jamais porté ce titre. Il était comte de Rouen ou comte des Normands (ou encore jarl, qui veut dire prince en vieux norrois). En fait, le premier duc de Normandie fut son arrière-petit-fils, Richard II (grand-père de Guillaume le Conquérant).

***

[*] Au Xe siècle, la France - plus exactement ce qui deviendra la France -, démembrée sous le gouvernement des descendants de Charlemagne, ne s’étend à l’Est que jusqu’au Rhône, à la Saône et à la Meuse. Et encore, le pouvoir royal n’est que nominal, et tient en un mot : Paris, qui est alors une bourgade occupant l’Île de la Cité : quelques églises, le palais de l’évêque, celui du roi (sur l’emplacement de l’actuel Palais de Justice), un marché, des ruelles. Deux ponts relient l’île aux deux rives. Avec Paris et ses environs, le roi dispose d’une petite langue de terre qui va de Soissons à la Loire. Tout petit, le domaine royal, tout petit : une vingtaine d’évêchés, des seigneuries, le tout couvrant de façon discontinue le bassin parisien !

Du reste, on ne parle pas encore de royaume de France mais de Francie occidentale (les deux demi-frères de Charles ont, l’un, Lothaire 1er, la Lotharingie (qui va de Rome à Amsterdam en passant par Lyon, autrement dit c’est n’importe quoi), et l’autre, Louis le Germanique, hérite de l’Allemagne (logique)).

Du désordre même qui règne dans le pays va naître un ordre nouveau : la féodalité. Les paysans, sans défense devant les bandes armées qui désolent le pays, se regroupent autour d’un propriétaire plus riche et plus fort. Ils s’engagent à le servir et lui à les protéger. Le pacte féodal entre le seigneur et ses vassaux est né : à genoux, sans armes, le vassal se reconnaît l’homme d’un autre, son obligé. Le seigneur va désormais défendre son vassal, élever ses fils, marier ses filles.

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Ainsi, dans toute la Francie, on se met à élever des châteaux, environnés d’épaisses murailles et flanqués de tours afin de résister aux assauts. Dès que le guetteur posté sur la plus haute tour discerne au loin un danger, il souffle dans sa trompette et aussitôt, le paysan quitte son champ, rassemble sa famille, ses bestiaux et monte se mettre à l’abri dans le château.

Ces seigneurs isolés se groupent à leur tour sous la protection de seigneurs plus puissants, les barons qu’ils prennent pour suzerains. On remonte ainsi aux comtes, aux ducs, et comme cela jusqu’au roi qui est le suzerain de tout le monde même si personne ne l’écoute... Les seigneurs en effet passent leur temps à n’en faire qu’à leur tête et à se battre entre eux. Ils ne connaissent qu’une loi : celle de la guerre.

Et pourtant ! Et pourtant, ces comtes, barons, ducs, grands mangeurs, grands buveurs, grands chasseurs et grands batailleurs devant l’Éternel, deviennent tout tendres et tout craintifs dès lors qu’on évoque le "benoît Seigneur Jésus-Christ" et la "gente Dame Marie"…

 

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13 décembre 2016

St-Clair-sur-Epte

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12 décembre 2016

L'écume des lèvres

Nous sommes au IXe siècle, et tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes si le Danemark était un véritable royaume. Au lieu de cela, les clans de l’élite guerrière s’affrontent pour accéder au trône, ce qui oblige de nombreux aristocrates scandinaves à monter des expéditions en Occident pour leur permettre de démontrer leur bravoure et leur capacité de commandement (et accessoirement, de s’enrichir en pillant tout sur leur passage). La France à ce moment-là ne ressemble pas du tout à ce qu’elle est, et encore moins à ce qu’elle était avant la mort de Charlemagne le 28 janvier 814 : un empire immense, englobant quasiment toute l’Europe actuelle, que ses trois petits-fils se partagent entre eux à peine leur aïeul passé de vie à trépas, entraînant la dislocation du vaste empire de leur grand-père. C’est à ce moment-là seulement que la Gaule prend le nom de France, et son premier roi est Charles le Chauve [1].

Pour en revenir à nos Vikings, un jour donc (bien après Charlemagne à qui personne n’osait s’attaquer), des villageois francs aperçoivent sur la mer un drakkar qui file sur eux à toute allure. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, ceux qu’on appelait encore les Vikings accostent sur la rive, non pas armés de haches, comme on a voulu le faire croire (celles-ci n’étant utilisées que par les pauvres, et pour couper le bois), mais de longues épées à double tranchant à qui ils donnent un petit nom mignon comme "Mord-la-jambe" ou "Garde d’or". Ces épées tout comme leurs autres armes (lance, javelot) sont pour eux des armes d’Odin (le Zeus des Scandinaves) : elles touchent toujours leur cible.

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Ceci dit, leurs armes c’était pour le décorum on va dire, parce qu’avec leur 1m82 (au bas mot) grâce à un régime hyper-protéiné, contre 1m60 chez leurs adversaires, ils excellent au corps à corps, et n’ont pas franchement besoin de leurs épées.

Ainsi, pour la première fois, l’ennemi ne vient pas à pied mais de la terrifiante mer, filant en silence sur des drakkars longs de vingt à quarante mètres et armé jusqu’aux dents. Pour la première fois, les envahisseurs ne sont pas des hommes avançant lentement vers leur destinée avec leur bétail, leurs enfants, leurs femmes et leurs lourds chariots, mais des bêtes féroces tapies dans les zones marécageuses attendant le meilleur moment pour semer le désespoir dans des attaques terrifiantes visant Dieu, ses serviteurs et ses maisons. Car les Vikings cultivent l’art de se rendre positivement effrayants : non seulement ils sont immenses, leur épaisse chevelure volant au vent, mais ils surgissent par surprise, dans un silence absolu, et seulement alors, s’abattent sur leurs proies avec des bruits terrifiants, agitant leur carquois, poussant des cris de bête, dont ils portent d’ailleurs la peau (des peaux d’ours) sur leur beau corps nu, atteignant ainsi un stade de folie furieuse à rouler des yeux et à mordre les boucliers de leurs adversaires, l’écume au bord des lèvres.

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Les Francs, des gens extrêmement civilisés comme l’on sait, sont immédiatement totalement terrifiés. Il faut dire qu’avec un souverain aussi religieux que Charlemagne, comment auraient-ils pu être préparés à ce genre de truc de ouf ? Charlemagne en effet, convaincu qu’il était que Dieu lui avait confié la tâche d’évangéliser tous les barbares de France et de Pétaouchnok, avait, avec ses Francs, décapité en 782 quatre mille cinq cent gens du nord qui ont dans les yeux le bleu qui manque à leur décor, et déporté 12000 de leurs femmes et enfants qui refusaient le baptême.

Comme nous le rapporte un témoin de l’époque : "Missoum par échangeoum culturoum, paroloum et époum" ("La Mission par échanges culturels, puis par la parole, puis par l’épée").

3Vikings

Cela avait super contrarié Godfred, le roi viking de l’époque, et c’est comme ça que lui et sa horde avaient un jour décidé d’aller revoir ma Normandie.

Pendant que ces événements fâcheux avaient lieu dans cette partie de Gaule franque qu’on appelait la Basse-Neustrie, les femmes vikings, comme d’habitude, se tapaient tout le boulot, enfin les concubines, parce que pour ce qui était de la femme en chef, elle avait une place privilégiée.

Que je vous narre la chose par le menu : en fait, pour nos ancêtres les Vikings, il n’y avait que deux saisons : l’été et l’hiver. L’été, on allait guerroyer et jouer à la bataille navale, mais quand l’hiver arrivait, que les récoltes étaient rentrées, le foin coupé, le poisson séché et la bière brassée, les hommes commençaient à se languir et c’est comme ça qu’ils eurent l’idée de se fiancer pour occuper leurs longues soirées d’hiver. Le mariage avait lieu l’année suivante, enfin l’hiver suivant, pour les mêmes raisons qu’expliquées ci-dessus. Il y avait la cérémonie du bain de la mariée, avec les demoiselles d’honneur, après que les cheveux de la future eussent été relevés et attachés avec un ruban ou un bijou. Ensuite, toute parée elle attachait à sa ceinture les clés de la maison et du coffre car c’est cette première épouse qui devenait la Húsfreyja : la Maîtresse de Maison.

Muni du marteau de Thor, le chef de clan présidait la cérémonie en appelant sur les époux le bonheur et la paix par une offrande à Freyja, la déesse de l’Amour et de la Sensualité, et à son frère jumeau Freyr, le dieu de la Vie, du Plaisir et de la Fertilité. S’ensuivait un joyeux banquet, convivial en diable, pendant lequel on se jurait de ne pas tenir compte des obscén propos qui seraient échangés une fois que l’on serait bien ivre. Des toasts étaient portés aux dieux et aux grands Ancêtres, et ces ripailles se reproduisaient hiver après hiver, puisque les Vikings avaient la bonne idée d’être polygames.

C’est pour ça que, comme les hommes s’en allaient tout l’été, la húsfreyja, contrairement aux femmes franques et romaines, jouissait d’un prestige évident, puisque c’était elle la chef dès que son époux avait le dos tourné. Elle faisait par exemple broder par les concubines les belles aubes blanches que les Francs refilaient aux Vikings qui acceptaient de se faire baptiser (il y en a même qui se faisaient baptiser plusieurs fois pour en avoir plein et comme ça elles en faisaient des belles tenues de fête). Il faut dire qu’il y avait déjà tellement de dieux dans leur Panthéon, alors un de plus, un de moins .. Ceci étant, ça a commencé à être vraiment intéressant pour eux lorsque, en échange du baptême, ils ont reçu non pas une vulgaire robe pour les femmes de leur harem mais le territoire qui allait devenir la Normandie, étymologiquement le pays (-ie) des gens du nord (Normand-). 

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Si vous le voulez bien, la prochaine fois je vous raconte comment les choses se sont passées...

 

[1] Charles le Chauve (823-877), petit-fils de Charlemagne, roi franc de la dynastie des Carolingiens. Il doit son surnom au fait qu'il s’était fait raser le crâne lors d'une cérémonie religieuse en signe de soumission à l'Église, vu que les cheveux longs chez les Francs était un signe de pouvoir absolu.

9 décembre 2016

Les chiennes d'Hadès

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Comme je vous l’ai raconté hier, les Érinyes jaillirent du sang tombé dans la mer lorsque Chronos castra Ouranos. Équivalent grec des Furies romaines, les Érinyes sont les déesses infernales de la vengeance et de la haine. Dans le monde antique, nul ne commet parricide, infanticide ou crime contre l'hospitalité sans connaître le courroux des Érinyes – car oui, chez les Grecs d'antan, on pense que les invités sont envoyés par Zeus, le Dieu Suprême, alors en oubliant les règles d'hospitalité avec les invités, on manque de respect à Zeus, et ça les Érinyes, elles tolèrent moyen. Et croyez-moi, personne n’a envie de connaître leur courroux. Jugez plutôt : elles poursuivent, harcèlent, éperonnent jusqu'à ce que l'objet de leur colère en perde la raison, devenu fou par tant de hargne et de persévérance dans la vengeance… Côté physique, elles ne sont pas plus avantagées que leurs copines les Harpies: monstrueuses et effrayantes, elles sont flanquées de grandes ailes, de serpents en guise de cheveux et de sang qui leur coule des yeux. C’est dire si elles sont jolies ! On raconte qu'elles arpentent le Tartare (pas le fromage, le lieu souterrain infernal où sont enfermés les petits malins qui ont défié les Dieux), brandissant torches et fouets, dont elles usent avec dextérité!

Parmi les plus connues de ces charmantes divinités, nous avons Tisiphone (Τισιφόνη), la Vengeance, Mégère (Μέγαιρα), la Haine, et enfin Alecto (ληκτώ), l'Implacable.

Quant aux Harpies évoquées plus haut, on les dépeint souvent comme des vieilles femmes laides, à la peau crevassée, aux ongles crochus, à l'odeur putride, aux ailes menaçantes et au cri terrible. Pourtant, quand Hésiode (fameux poète grec du VIIe siècle avant J.-C.)(mais si, vous le connaissez..) quand Hésiode, disais-je, brosse leur portrait, elles prennent les traits de femmes sublimes à la chevelure d'or et aux ailes d'anges... Quant à Homère (même époque qu’Hésiode) il les décrit comme les déesses de la tempête. Et oui ! Au fil des siècles, de créatures de rêve, elles sont passées à vieilles peaux diaboliques et ornithomorphes. On raconte même que là où elles passent, elles sèment putréfaction, désolation, épidémies, sécheresse et autres terribles drames... On accuse également les Harpies de voler les âmes, de ravir les enfants, qu'elles donnent en présent aux Érinyes !!

Aello et Ocypète, qui sont frangines, ou encore Céléno, sont les plus célèbres Harpies.

Mais n'ayez crainte: de nos jours, les Harpies et les Érinyes ont disparu.

Enfin, il paraît...

8 décembre 2016

Pur et chaste

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Au début était le Chaos. De cette masse informe jaillit Gaïa, la Terre-Mère (ce qui, entre nous, prouve la supériorité depuis toujours de la féminitude sur l’homminitude).

Comme elle se sentait un peu seule, Gaïa se fit un fils: Ouranos, le ciel. En ces temps anciens, il était super beau et toujours bleu. Seulement voilà : même à deux, Gaïa continuait de s’ennuyer ferme. Alors, après s’être ointe d’ambroisie comme plus tard le ferait Héra pour séduire Zeus, elle s’approcha d’Ouranos en ondulant des hanches et elle lui dit : "Ouranou, oh mon Ouranou, ne vois-tu rien venir ?"

Ouranos ne voyait rien venir, car il était pur et chaste ; c’est comme ça qu’il se retrouva le père de ses frères, à savoir la bagatelle de dix-huit enfants, car Gaïa s’ennuyait vraiment beaucoup.

Quand il vit leur tronche, Ouranos éprouva un moment d’accablement bien compréhensible. Il faut dire que les six Titans et les six Titanides géants, les trois Cent-Bras avec leur cinquante têtes attachées à leur dos et les trois Cyclopes avec leur œil en plein milieu du front étaient particulièrement moches.

Il jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus et décida d’expédier tout ce petit monde dans le Tartare, une charmante villégiature souterraine si profonde que si on y jetait une enclume, elle mettrait neuf jours pour atteindre le fond.

Gaïa se mit en pétard. Ah, Ouranos était bien un homme tiens ! Elle le revoyait encore, la langue pendant jusqu'à terre, les yeux hors des orbites, poussant des hurlements inarticulés en bondissant partout avant de lui sauter dessus (on peut être pur et chaste et vite comprendre ce qu'on attend de vous, surtout quand on est du sexe opposé). Et voilà qu'à présent il voulait mettre sa ribambelle à la poubelle sous le prétexte fallacieux qu'elle s'était un peu embrouillée dans l'assemblage ?

Elle tourna les talons en levant le menton d'un air digne et partit méditer un jour ou deux histoire de trouver l'inspiration sur la suite à donner aux événements. Et voici ce que sa divine méditation lui souffla: elle allait remettre à ses fils les Titans une serpe en silex, les sommant de faire à leur père le supplice qu'Abélard rendit célèbre.

Les chers petits en plus d’être moches étaient des couards : plutôt que de s’attirer les foudres du ciel (ahahah le jeu de mots !)(ben oui, quoi : Ouranos, le ciel) (oui, bon..), ils prirent leurs jambes à leur cou.

Seul le plus jeune des sept, Chronos, accepta d’accomplir le sale boulot : s’approchant une nuit d’Ouranos pendant son sommeil, il lui assena un coup de serpe bien placé et s’emparant des délicieuses petites choses sanguinolentes sans lesquelles il n’aurait pas pu faire ce qu’il était en train de faire, il les jeta dans la mer, où elles donnèrent naissance à Aphrodite, la Déesse de l’Amour.

Au passage, une pluie de sang tiède tomba en Gaïa qui surveillait les opérations, et elle se retrouva enceinte des trois Érinyes (*), les déesses de la vengeance.

Comme quoi, il y a une justice, même au pays des Dieux...

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Naissance d'Aphrodite (Vénus pour les Romains)

Alexandre Cabanel - Musée d'Orsay

(*) Les Érynies grecques sont les Furies des Romains. En fait, la mythologie romaine étant un copié-collé de la mythologie grecque, pour la naissance des Furies il suffit de relire le texte en changeant tous les noms: Terra pour Gaïa, Uranus pour Ouranos, et Saturne pour Chronos.. clin d oeil (2)

 

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6 décembre 2016

Un truc inébranlable

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Avec sa longue barbe blanche, son rire puissant et son haleine à décoller les papiers peints, on aurait tôt fait de le comparer à un roc, à un chêne, bref à un truc inébranlable depuis la nuit des temps. Et pourtant. Les apparences sont souvent trompeuses, car le Père Noël, s’il a toujours bien été vêtu de rouge, n’était au départ qu’un jeune homme glabre voyageant sur un ânon.

Mais que je vous narre la chose par son début ..

Il y a bien longtemps était dans une contrée lointaine une ville magnifique qui s’allongeait au flanc d’une falaise abrupte, bercée de soleil et de ciel bleu, répondant au doux nom de Patara (actuelle Turquie). Vivaient là Epiphaneus et Jeanne qui passaient pour les plus fervents croyants de la communauté chrétienne. Pour les récompenser, Dieu dans sa bonté leur octroya le plus beau des cadeaux : un fils, que le couple appela Nicolas.

À peine sorti du ventre de sa mère, Nicolas commença à faire du zèle. Dès le jour de son baptême, il se mit debout tout seul sur ses petites gambettes pour recevoir l’eau sainte. En plus, il ne se mettait au sein de sa mère que les mercredi et vendredi à l’heure fixée par les règles canoniques (permettant ainsi à Jeanne, sa maman, de conserver une poitrine haute et fière et de passer des nuits paisibles).

Devenu grand, Nicolas se mit en devoir de faire quelques miracles. Le premier eut lieu un jour qu’une femme partie à la messe oublia son enfant dans une cuve d’eau chaude sur le feu. Bon, on peut se demander ce qu’il peut bien se passer dans la tête d’une femme qui colle son gamin dans une cuve d’eau placée sur le feu et qui s’en va à la messe comme si de rien n’était. Enfin passons. Toujours est-il qu’en rentrant chez elle, elle trouva l’enfant sain et sauf qui jouait avec de l’eau bouillante. Nicolas était passé par là.

La fois suivante, ce furent trois sœurs tellement tellement pauvres que leur père ne pouvait pas leur donner de dot pour les marier et du coup, s’apprêtait à les livrer à la prostitution (cela peut sembler radical comme mesure pour des gens extrêmement civilisés comme nous. Mais il est un fait qu’autrefois, et jusqu’à une époque relativement récente (XVIIIe siècle), la seule issue pour une femme était de se marier si elle ne voulait pas finir sur le trottoir..).

Nico, dans le profond de son cœur, ne put accepter cela : il vint secrètement une nuit jeter par la fenêtre de leur maison un sac contenant assez d’or pour la dot d’une des sœurs, et refit deux fois le même geste, vu qu’elles étaient trois. C’est comme ça que les trois sœurs purent convoler en justes noces grâce à lui.

Une autre histoire : un jour, un riche paysan organisa une très grande fête. Il invita de nombreuses personnes. Le diable se mêla à la foule travesti en pèlerin. Au moment où le jeune fils du paysan alla se coucher, le diable se glissa dans la chambre de l'enfant et l'étrangla. Heureusement, Nico alerté par SMS sauta sur son blanc destrier et vint ressusciter l’enfant ..

Mais comme l’on sait, ce sont les meilleurs qui s’en vont les premiers : ayant eu la révélation de sa mort prochaine, Nicolas se retira dans le monastère de la Sainte-Sion dont il avait été fait abbé. Ce fut là que, le 6 décembre 343, une petite fièvre mit un terme à quatre-vingt-trois années (environ) d’une vie de bonté bien remplie. Une fois qu’il fut enseveli, de sa tête se mit à couler une source d’huile qui ramenait la santé aux malades et de ses pieds une source d’eau. Du coup l'Église se demanda si elle n'avait pas loupé quelque chose, et se hâta de canoniser Nicolas avant de se mettre toutes ses admiratrices à dos.

Or, à quelques temps de là, des marchands italiens qui faisaient un petit voyage touristique dans le coin trouvèrent bien regrettable que les reliques de ce brave Nicolas dépérissent ainsi loin de chez eux et les ramenèrent à Bari, en Italie, où un chevalier lorrain qui passait par là se saisit de quelques os du saint pour les ramener chez lui.

Et c’est comme ça que d’Asie Mineure, la notoriété du bon Nicolas voyagea jusqu’au nord de la France avant de se propager en Europe, où elle subit les quelques transformations que nous lui connaissons ..

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