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Ma nature profonde..
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12 décembre 2016

L'écume des lèvres

Nous sommes au IXe siècle, et tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes si le Danemark était un véritable royaume. Au lieu de cela, les clans de l’élite guerrière s’affrontent pour accéder au trône, ce qui oblige de nombreux aristocrates scandinaves à monter des expéditions en Occident pour leur permettre de démontrer leur bravoure et leur capacité de commandement (et accessoirement, de s’enrichir en pillant tout sur leur passage). La France à ce moment-là ne ressemble pas du tout à ce qu’elle est, et encore moins à ce qu’elle était avant la mort de Charlemagne le 28 janvier 814 : un empire immense, englobant quasiment toute l’Europe actuelle, que ses trois petits-fils se partagent entre eux à peine leur aïeul passé de vie à trépas, entraînant la dislocation du vaste empire de leur grand-père. C’est à ce moment-là seulement que la Gaule prend le nom de France, et son premier roi est Charles le Chauve [1].

Pour en revenir à nos Vikings, un jour donc (bien après Charlemagne à qui personne n’osait s’attaquer), des villageois francs aperçoivent sur la mer un drakkar qui file sur eux à toute allure. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, ceux qu’on appelait encore les Vikings accostent sur la rive, non pas armés de haches, comme on a voulu le faire croire (celles-ci n’étant utilisées que par les pauvres, et pour couper le bois), mais de longues épées à double tranchant à qui ils donnent un petit nom mignon comme "Mord-la-jambe" ou "Garde d’or". Ces épées tout comme leurs autres armes (lance, javelot) sont pour eux des armes d’Odin (le Zeus des Scandinaves) : elles touchent toujours leur cible.

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Ceci dit, leurs armes c’était pour le décorum on va dire, parce qu’avec leur 1m82 (au bas mot) grâce à un régime hyper-protéiné, contre 1m60 chez leurs adversaires, ils excellent au corps à corps, et n’ont pas franchement besoin de leurs épées.

Ainsi, pour la première fois, l’ennemi ne vient pas à pied mais de la terrifiante mer, filant en silence sur des drakkars longs de vingt à quarante mètres et armé jusqu’aux dents. Pour la première fois, les envahisseurs ne sont pas des hommes avançant lentement vers leur destinée avec leur bétail, leurs enfants, leurs femmes et leurs lourds chariots, mais des bêtes féroces tapies dans les zones marécageuses attendant le meilleur moment pour semer le désespoir dans des attaques terrifiantes visant Dieu, ses serviteurs et ses maisons. Car les Vikings cultivent l’art de se rendre positivement effrayants : non seulement ils sont immenses, leur épaisse chevelure volant au vent, mais ils surgissent par surprise, dans un silence absolu, et seulement alors, s’abattent sur leurs proies avec des bruits terrifiants, agitant leur carquois, poussant des cris de bête, dont ils portent d’ailleurs la peau (des peaux d’ours) sur leur beau corps nu, atteignant ainsi un stade de folie furieuse à rouler des yeux et à mordre les boucliers de leurs adversaires, l’écume au bord des lèvres.

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Les Francs, des gens extrêmement civilisés comme l’on sait, sont immédiatement totalement terrifiés. Il faut dire qu’avec un souverain aussi religieux que Charlemagne, comment auraient-ils pu être préparés à ce genre de truc de ouf ? Charlemagne en effet, convaincu qu’il était que Dieu lui avait confié la tâche d’évangéliser tous les barbares de France et de Pétaouchnok, avait, avec ses Francs, décapité en 782 quatre mille cinq cent gens du nord qui ont dans les yeux le bleu qui manque à leur décor, et déporté 12000 de leurs femmes et enfants qui refusaient le baptême.

Comme nous le rapporte un témoin de l’époque : "Missoum par échangeoum culturoum, paroloum et époum" ("La Mission par échanges culturels, puis par la parole, puis par l’épée").

3Vikings

Cela avait super contrarié Godfred, le roi viking de l’époque, et c’est comme ça que lui et sa horde avaient un jour décidé d’aller revoir ma Normandie.

Pendant que ces événements fâcheux avaient lieu dans cette partie de Gaule franque qu’on appelait la Basse-Neustrie, les femmes vikings, comme d’habitude, se tapaient tout le boulot, enfin les concubines, parce que pour ce qui était de la femme en chef, elle avait une place privilégiée.

Que je vous narre la chose par le menu : en fait, pour nos ancêtres les Vikings, il n’y avait que deux saisons : l’été et l’hiver. L’été, on allait guerroyer et jouer à la bataille navale, mais quand l’hiver arrivait, que les récoltes étaient rentrées, le foin coupé, le poisson séché et la bière brassée, les hommes commençaient à se languir et c’est comme ça qu’ils eurent l’idée de se fiancer pour occuper leurs longues soirées d’hiver. Le mariage avait lieu l’année suivante, enfin l’hiver suivant, pour les mêmes raisons qu’expliquées ci-dessus. Il y avait la cérémonie du bain de la mariée, avec les demoiselles d’honneur, après que les cheveux de la future eussent été relevés et attachés avec un ruban ou un bijou. Ensuite, toute parée elle attachait à sa ceinture les clés de la maison et du coffre car c’est cette première épouse qui devenait la Húsfreyja : la Maîtresse de Maison.

Muni du marteau de Thor, le chef de clan présidait la cérémonie en appelant sur les époux le bonheur et la paix par une offrande à Freyja, la déesse de l’Amour et de la Sensualité, et à son frère jumeau Freyr, le dieu de la Vie, du Plaisir et de la Fertilité. S’ensuivait un joyeux banquet, convivial en diable, pendant lequel on se jurait de ne pas tenir compte des obscén propos qui seraient échangés une fois que l’on serait bien ivre. Des toasts étaient portés aux dieux et aux grands Ancêtres, et ces ripailles se reproduisaient hiver après hiver, puisque les Vikings avaient la bonne idée d’être polygames.

C’est pour ça que, comme les hommes s’en allaient tout l’été, la húsfreyja, contrairement aux femmes franques et romaines, jouissait d’un prestige évident, puisque c’était elle la chef dès que son époux avait le dos tourné. Elle faisait par exemple broder par les concubines les belles aubes blanches que les Francs refilaient aux Vikings qui acceptaient de se faire baptiser (il y en a même qui se faisaient baptiser plusieurs fois pour en avoir plein et comme ça elles en faisaient des belles tenues de fête). Il faut dire qu’il y avait déjà tellement de dieux dans leur Panthéon, alors un de plus, un de moins .. Ceci étant, ça a commencé à être vraiment intéressant pour eux lorsque, en échange du baptême, ils ont reçu non pas une vulgaire robe pour les femmes de leur harem mais le territoire qui allait devenir la Normandie, étymologiquement le pays (-ie) des gens du nord (Normand-). 

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Si vous le voulez bien, la prochaine fois je vous raconte comment les choses se sont passées...

 

[1] Charles le Chauve (823-877), petit-fils de Charlemagne, roi franc de la dynastie des Carolingiens. Il doit son surnom au fait qu'il s’était fait raser le crâne lors d'une cérémonie religieuse en signe de soumission à l'Église, vu que les cheveux longs chez les Francs était un signe de pouvoir absolu.

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Commentaires
E
Bien sûr que je veux bien... Oui Ambre, la suite.<br /> <br /> Je ne sais pas si c'est le vent du nord qui souffle jusqu'à moi mais ça fait froid dans le dos quand on lit tant de barbarie. Heureusement que tu sais agrémenter d'humour chacun de tes récits.
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