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Ma nature profonde..
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19 mars 2017

Le désir que j'ai de toi

cuivre

 

Nous sommes en l’an 48 de notre ère, à Rome la Magnifique. Dans le palais de l’empereur Claude, on est en train de célébrer les noces de Marcus Alexander avec une petite fille qui n’a pas 13 ans. Cette jeune Romaine est la fille d’Agrippa, lui-même petit-fils d’Hérode-le-Grand.

Vous avez entendu parler de la mise à mort à Bethléem, à l’annonce de la naissance du "roi des Juifs", de tous les bébés garçons de moins de deux ans ? Eh bien c’est lui, c’est Hérode. Hérode aussi qui fait assassiner une de ses épouses, puis la mère d‘icelle, puis encore un de ses propres fils, le père d’Agrippa justement, alors que ce dernier n’a que trois ans.

Bref, la vie d’Hérode est jalonnée de trophées sanglants, et au cas où ça ne suffirait pas, il ordonne qu’au moment de sa mort on massacre les docteurs pharisiens "pour être sûr que les Juifs pleurent lorsqu’il mourra". Délicieux personnage.

Mais bref, revenons à la toute belle Bérénice, puisque c’est d’elle dont il s’agit. Pour reine de Palestine qu’elle deviendra, Bérénice n’en est pas moins femme, et femme romaine, qui plus est. À ce titre, elle n’a aucun droit. À Rome, la condition féminine se rapproche assez de celle de l'esclave... La femme reste une éternelle mineure, soumise d'abord à la tutelle du père, puis du mari, retombant sous celle des frères en cas de veuvage. Le mari a tous les droits sur elle, y compris le droit de mort. De plus, bien que l’âge légal de mariage soit de douze ans, il n’est pas rare que dès sept ans, la fillette soit fiancée et conduite aussitôt dans la maison du futur avec un titre équivalent à celui d'épouse, ce qui la met à la disposition du fiancé auquel il appartient seul de consacrer définitivement l'union. Sauf que, contrairement aux Grecques mariées après la puberté, les Romaines subissent une défloration précoce qui les fait vivre dans la terreur de leur mari, la consommation brutale étant une réalité courante que Néron, d’ailleurs, lors de la fête de ses noces homosexuelles, singera en imitant les cris et hurlements des jeunes vierges... Pauvres Romaines ! Elles n’ont rien à envier à leurs sœurs franques..

À la suite de ce premier mariage, Bérénice séjourne à Alexandrie jusqu’à la mort de son époux. Son père la donne ensuite à Hérode de Chalcis qui se trouve être son oncle, ce qui ne l’empêche pas de lui faire deux garçons.

Lorsqu’elle se retrouve veuve pour la seconde fois (elle n’a pas 20 ans), l’empereur Claude nomme le frère de Bérénice, Agrippa II, roi à la place de l’oncle défunt. Bérénice revient alors à Jérusalem auprès de son frère pour y tenir le rôle de reine, mais à cause des rumeurs d’inceste qui circulent à leur sujet, elle est mariée pour la troisième fois à Marcus Antonius.

C’est à cette période qu’elle devient la maîtresse de Titus, alors qu’avec ses légions il tente d’éradiquer toute résistance en Galilée. Leur liaison, que la tragédie de Racine immortalisera, va durer plus de dix ans.

Bérénice se souvient d'un chant d'amour accompagné de la cithare et de la double flûte :

"Non, je ne renoncerai pas à toi,

même si l’on me chassait à travers les déserts avec des épées.

Non, je n’écouterai pas ceux qui me disent

de repousser le désir que j’ai de toi".

Un chant qu’un jour, plus tard, bien plus tard, quand Titus sera devenu empereur, Bérénice croira reconnaître. Un chant dont la dernière phrase lui donne envie de pleurer. Cette phrase, il lui semble qu’elle la connaît depuis toujours : Non, je n’écouterai pas ceux qui me disent de repousser le désir que j’ai de toi...

Elle a entendu ces mots-là, il y a longtemps. Elle en est sûre.

Enfin, presque sûre.

Son cœur se serre d'un chagrin très ancien, ce chagrin aussi vieux qu’elle et qui toujours la submerge... “ Le désir que j’ai de toi...”

 

Titus reginam Berenicen statim ab Urbe dimisit invitus invitam.


(Aussitôt, Titus éloigna la reine Bérénice de Rome malgré lui et malgré elle.)

Suétone

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Commentaires
A
Je te lis ici, parfois, mais c'est submergé par les pubs. Je t’embrasse.
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E
Un récit bien mené une fois de plus mais que de drames et tragédies.<br /> <br /> Le sort des filles n'était pas plus enviable que dans certains pays encore aujourd'hui où les jeunes filles sont mariées dès leur plus jeune âge sans avoir pour autant choisi leur époux.
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