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Ma nature profonde..
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4 novembre 2016

La Belle et la Bête

belle 1

Il était une fois au royaume des Wisigoths d‘Espagne, une brune princesse qui était belle, belle, belle comme le jour. Elle était aussi intelligente et pleine de grâce, ce qui fait que lorsque son père Athanagilde la donne pour épouse à Sigebert, le roi franc d’Austrasie (un des petit-fils du grand Clovis), ce dernier ne se sent plus de joie.

Sigebert fait une fête magnifique en l’honneur de ses noces avec "l’étincelante Brunehaut, la perle nouvelle que l’Espagne a produite, plus brillante que le flambeau du ciel, autre fille de Vénus, dotée de l’empire de la beauté " etc, etc.

Cela se passe en 566 à Metz. Tous rient, festoient et ripaillent. Tous ? Non. Car Chilpéric, un des frères de Sigebert (enfin, un de ceux qui n‘a pas été zigouillé par leur propre père, le délicieux Clotaire, celui qui a épousé Radegonde), Chilpéric donc, est vert de jalousie. Déjà, il s’est fait avoir en héritant de la Neustrie, alors que son frère Sigebounet le chouchou a reçu la meilleure part (l’Austrasie), ensuite voilà maintenant qu’il a une femme splendide, alors que lui le pauvre il n’a qu’une petite trentaine de femmes toutes plus blondes les unes que les autres. C’est pô juste !

Du coup il demande à Athanagilde si des fois il ne lui resterait pas une fille ou deux ? Le roi d‘Espagne a bien encore en stock sa fille aînée, Galswinthe. Elle n'est pas aussi belle que la cadette mais compte tenu qu’elle amène des trésors d’une autre espèce, ceci compense cela et l’affaire est conclue.

belle 2

Comme Chilpéric est un homme qui a de la morale, il enferme d’abord dans un couvent la reine en titre, Audovère, renvoie toutes ses maîtresses aux cuisines, puis, l’âme sereine, épouse Galswinthe en 567, au cours d’une fiesta encore plus éblouissante que celle qui avait eu lieu pour le mariage de son frère.

Tout cela a l’heur de contrarier profondément Frédégonde, une des femmes que Chilpéric a relégué aux fourneaux. Quoique blonde, Frédégonde n’entend pas compter pour des prunes et encore moins rester servante toute sa vie.

Une nuit, elle étrangle la reine Galswinthe dans son lit et s’installe à sa place. Ce qui arrange bien le roi qui commençait à se lasser d’aller d’un lit à l’autre.

 Galswinthe

Seulement voilà : comme on le conçoit aisément, Brunehaut n’est pas très contente d’apprendre la mort de sa sœur et elle pousse son cher et tendre à la venger - bon, avouons qu'elle n'a pas trop de mal à convaincre Sigebert, vu la façon dont les petits-fils du grand Clovis se traitent entre eux, à l’image de leur père Clotaire qui a exterminé presque toute sa famille, neveux, fils, petits-fils .. (Néron, Hérode et Attila, c’est de la gnognote à côté).

Or donc, voici où nous en sommes en ce beau matin de 573 : Chilpéric, sortant tout émoustillé du lit de la belle Frédégonde, envahit brusquement le territoire austrasien.

Sigebert, armé jusqu’aux dents, lui fonce dessus avec son immense armée et le vainc.

sigebert

"Trop d’la balle ! " se dit Sigebert en entrant dans Paris avec Brunehaut, tout heureux à l’idée qu’il est maintenant le roi des Neustriens.

Seulement voilà, au moment même où il est hissé sur le pavois (c’est-à-dire promu au titre de roi à la mode franque) deux hommes envoyés par Frédégonde le laboure de coups de scramasaxes (le poignard franc). Sigebert meurt d’autant plus rapidement qu’elle a enduit elle-même de poison les lames des scramasaxes ..

Bilan des courses :

- Brunehaut passe direct de reine de Neustrie à prisonnière de Chilpéric (qui en aurait bien fait son cinq à sept), mais Frédégonde juge plus prudent de l’expédier en Normandie (Brunehaut, pas Chilpéric).

- Où la suit en secret Mérovée, un des fils que Chilpéric a eu de sa première épouse Audovère, qui est tombé direct amoureux de sa tante et arrive à force de persuasion et d’adroites caresses à lui faire oublier qu‘elle vient tout juste d‘être veuve.

Quand Frédégonde apprend cela, elle jubile, son nouveau plan étant de se débarrasser des enfants que Chilpéric a eu avec ses autres femmes pour que ses enfants à elle montent sur le trône. Elle fait donc tondre Mérovée qui, complètement traumatisé, se suicide.

En 577, une terrible épidémie de variole s’abat sur tout le royaume, emportant tous les fils de Frédégonde, qui se demande ce qu‘elle a bien pu faire au ciel pour qu’il s’acharne ainsi sur elle. De rage elle accuse de leur mort un autre des fils d’Audovère pour pouvoir le faire assassiner.

Seulement voilà, il faut qu’elle en refasse un autre! Pff.

Celui qui sera Clotaire II naît en septembre 584. Chilpéric tout heureux d’être à nouveau papa, rentre de la chasse pour aller voir son rejeton, et trouve Frédégonde au lit avec un de ses nombreux amants, ce qui le contrarie un peu.

Elle se dit qu’avec son caractère de cochon il est fichu de la répudier et décide de prendre les devants en le faisant assassiner à coups de scramasaxe (sa grande spécialité).

Sur sa lancée elle zigouille le fils de Brunehaut en 595.

belle

Frédégonde et Brunehaut se retrouvent donc face à face avec des pouvoirs égaux, l’une en Neustrie, l’autre en Austrasie. Elles donnent libre cours à la haine féroce qu’elles se vouent dans une longue suite de conspirations, de traîtrises, d’assassinats et de guerres (attitude qui, évidemment, serait inconcevable de nos jours). Si bien qu’en 597, lorsque la Grande Faucheuse vient chercher Frédégonde, ça l’énerve direct de devoir quitter ce monde sans avoir réussi à éliminer sa rivale.

Mais elle a tort de s’énerver: avec son fils Clotaire qui a grandi dans la haine de sa tante, la relève est assurée.

Après encore deux-trois petites guerres histoire de rester dans le bain, la vieille reine Brunehaut (elle a près de quatre-vingt ans maintenant), finit par être vaincue et faite prisonnière par son charmant neveu. Il la fait torturer pendant trois jours, puis l’installe sur un chameau pour que ses soldats l’insultent et l’humilient. Après quoi, il la fait attacher nue par un bras, une jambe et par les cheveux à un cheval fougueux qui court dans tous les sens comme un fou en faisant balloter le pauvre corps de la reine derrière lui.

"Purée, la journée a été rude !" gémit Brunehaut avant de rendre son dernier soupir...

Cette touchante scène de famille se déroulait à l'emplacement de l'actuel Louvre ...

belle A

Devant lequel pose ma fille

pour vous servir..

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3 novembre 2016

Depuis la nuit des temps

menapien GallischeHoeve

Ma maman, qui était du 2 novembre, disait toujours qu’elle était née "le jour des morts".

Cette notion du Jour des Morts est très ancienne puisqu’elle remonte à plusieurs siècles avant la naissance de Jésus. Tout commence il y a très longtemps, lorsque des hommes arrivent du Danube par vagues successives, passent le Rhin et se fixent sur  une terre fertile abondamment arrosée de cours d’eau, dotée d’un climat tempéré, ensoleillé et pluvieux, une sorte de jardin d’Eden qui, des centaines d’années plus tard, s’appellerait la France. Ces hommes - ils se nomment eux-mêmes les Celtes - les Grecs et les Romains les appellent des Gaulois.

Peu à peu, ces "Gaulois celtes" répandent sur l'accueillant territoire sur lequel ils se sont installés leurs lois, leurs coutumes et leurs rites. Car ces ancêtres venus d’ailleurs aiment notre terre, ils l’ensemencent, la cultivent, la font fructifier, ils se battent jusqu’à la mort pour la préserver. Ils nous ont légué leur joie de vivre, leurs grandes gueules, leur imagination débordante, leur attirance pour le fantastique, leur goût pour la belle ouvrage, leur faculté d’adaptation et leur farouche amour de la liberté. Seulement voilà, un jour le besoin de jouir de tout ce qui fait du bien au corps remplace la certitude de la Survie de l’Esprit qui rendait négligeable aux premiers Gaulois la perte de la vie, et c’est comme ça que les rites se sont perdus dans la nuit des temps. Enfin passons, et revenons à nos Celtes.

Nous sommes au premier siècle avant notre ère, la quinzième nuit avant atenoux de Cutios (le 1er novembre d’aujourd’hui). Oui, parce que nos ancêtres les Gaulois ne comptent pas les jours comme nous. D’abord pour commencer, ils ne comptent pas en jours: ils comptent en nuits. Pour eux, c’est la nuit qui précède le jour, et pas l’inverse (même si au bout d’un moment, on peut imaginer que la nuit ne va pas tarder à le suivre, enfin passons). Les noms des mois gaulois, n’en déplaise à Goscinny, se terminent par –os et pas par –ix. L’année gauloise commence en juin, par le mois de Samonios. Elle se termine donc en mai (logique) par le mois de Cantlos. Chaque mois est divisé en deux quinzaines, avant et après atenoux (la nuit du milieu).

Donc, pour en revenir à nos moutons, nous sommes la 15e nuit avant atenoux de Cutios, et nous fêtons Samonios, ou Samain, c’est-à-dire la célébration du début de la saison sombre – puisqu’il n’existe que deux saisons, la sombre et la claire.

Samain n’appartient ni à la saison claire (qui s’achève), ni à la saison sombre (qui va commencer). C’est une période autonome, hors du temps, "un intervalle de non-temps" qui permet aux vivants de rencontrer les défunts. Elle marque une rupture dans la vie quotidienne : la fin des conquêtes et des rafles pour les guerriers et la fin des travaux agraires pour les agriculteurs-éleveurs. Elle permet aussi aux défunts, non réincarnés, de passer dans le monde des vivants pour y retrouver les lieux et les personnes qui leur sont chers. C’est pour cela qu’elle est propice aux événements magiques et mythiques.

Comme toutes les grandes fêtes gauloises, Samain compte trois jours de solennités: le premier est consacré à la mémoire des héros, le deuxième à celle de tous les défunts, et le troisième aux réjouissances populaires et familiales marquées par des réunions, des banquets, des festins de toutes sortes qui peuvent se prolonger une semaine durant.

La veille a eu lieu la cérémonie de la renaissance du feu. Les propriétaires des maisons ont éteint les feux de l’âtre avant de se rassembler à la nuit tombante sur la place où les druides ont procédé à l’allumage d’un nouveau feu sacré en frottant quelques bois secs du chêne sacré. Ils ont ensuite allumé de grands feux de joie sur les collines environnantes pour éloigner les esprits malfaisants. Puis chaque maître de maison est reparti avec quelques braises tirées du nouveau feu sacré pour rallumer un nouveau feu dans l’âtre de sa maison, feu qui doit durer jusqu’à la prochaine fête de Samain et protéger ainsi le foyer tout au long de l’année.

belt

Dans cette dernière nuit d’Ogronios (31 octobre), le monde des morts, des fées et des sorcières entre en contact avec celui des vivants. Les âmes des défunts reviennent errer autour des maisons des vivants, c'est pourquoi on laisse la porte entrouverte et une place à table, et on place des lanternes sur les chemins pour les guider.. Les enfants n’en sont pas effrayés. Ils savent toutes ces choses, puisque dès l’âge de sept ans, ils viennent recevoir l’enseignement oral dispensé par les druides instituteurs. Ils y apprennent par cœur la vie des héros - chantée par les bardes -, le calcul, le rythme des saisons, la composition de l’univers, le nom des étoiles, le courage, l’honneur, les droits et les devoirs envers le peuple et envers leur famille. Les petits Gaulois ne craignent pas la mort, ils savent qu’elle n’est qu’un passage, que leur esprit ne peut pas mourir, qu’un jour, il se sépare du corps qu’il a animé pendant la vie et quitte le troisième cercle pour se fondre dans le deuxième, celui qui entoure le cercle central: le cercle de l’Incréé que Nul n’Ose Nommer. Oui, cette entité primordiale, nul ne s’adresse directement à Elle. Ce sont des intermédiaires qui se chargent de transmettre leurs prières et de recevoir en Son nom des sacrifices, que dans la pauvreté du langage humain, les hommes appellent des dieux : Toutatis, le protecteur de la tribu ; Lug, le compagnon des voyageurs ; Tarranis, le dieu du tonnerre ; Cernunnos, le barbu aux cornes toujours renaissantes ; Sucellus, le frappeur au marteau, qui, le moment du passage venu, séparera le corps de l’esprit.

Mais les montagnes, les sources, les arbres, oeuvres directes de l’Incréé sans le secours de la main de l’homme, sont la preuve évidente de son existence.

Donc, cette quinzième nuit avant atenoux de Cutios, on ne se couche pas. On chante dans les rues, on boit et on ripaille. La joie est sur tous les visages, on danse sur la place, les manteaux bariolés des hommes se mêlent aux chitons des filles qu'on aperçoit sous leur cape. Les épouses se blottissent dans les bras de leur mari et les jeunes gens échangent des sourires. Un garçon essaie d’attirer l’attention d’une jeunette, elle peut avoir quinze ou seize ans, elle est fine, jolie, rêveuse, et comme toutes les femmes ne se mêle pas de la conversation des hommes. Elle fixe les flammes du feu. Il semble qu’elle a senti le regard sur elle car ses joues rosissent. Elle disparaît derrière une tenture, revient avec un pichet de cervoise, prend des timbales sur une étagère et sert à boire. Lorsque le jeune homme saisit la timbale qu’elle lui tend, leurs doigts s’effleurent.

N’est-ce pas comme ça que les amours se font depuis la nuit des temps ?

Beltaine show 15

1 novembre 2016

Le plus beau joyau de ma couronne

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Par une nuit sans lune, disais-je, le petit groupe de femmes embarque sur un frêle esquif qui glisse silencieusement sur les eaux de l'Omignon. Mais les fugitives naviguent dans la mauvaise direction, se rapprochant involontairement de celui qu’elles fuient: le cruel Clotaire. Elles traversent Soissons sans encombre mais sont reconnues près de Missy. C'est comme ça que s'achève la folle escapade.

Puisque la future reine est à Soissons, Clotaire décide de l’y rejoindre pour y célébrer le mariage. Radegonde continue de faire du zèle en refusant de vêtir les atours de son rang. C’est donc dans une robe de bure, telle Jeanne d’Arc au bûcher, que la future reine mérovingienne est unie de force à Clotaire. Pour fêter ça, elle se met au pain sec : qu’on distribue ses plats aux pauvres !

Bien qu’elle soit encore très pure, Radegonde sent qu’il y a quelque chose de peu convenable dans les regards que lui porte son époux quand le soir vient. Aussi, une fois les assauts passés, s’agenouille-t-elle sur la pierre nue et froide la nuit, pour chanter des psaumes, ou se relève-t-elle pour s’étendre en prière jusqu’à en geler. Ce qui a le don de contrarier Clotaire. "Quel gâchis ! Un si joli lot !!"

Dégoûté que Radegonde fasse passer Dieu avant lui, Clotaire essaie de l’amadouer en lui faisant des cadeaux. Elle en profite pour réclamer sa clémence vis-à-vis des condamnés à mort...

Vous rappelez-vous que c’est Clotaire qui a tué toute la famille de Radegonde alors qu’elle n’était qu’une enfant ? Le vase déborde avec un nouvel acte de cruauté qui lui ferme à jamais son cœur: l’assassinat de son frère Hermanfried. Cette fois, la reine explose de colère et de douleur. Clotaire de son côté en a ras-le-bol d’être un incompris et se demande ce qu’il a encore fait? Il chasse sa femme en espérant qu’elle lui reviendra plus soumise et plus gaie. 

L’occasion est trop belle : accompagnée de ses femmes et d’Agnès, une jeune fille qui lui est particulièrement attachée, elle va à Noyon pour s’y faire moinette. Cela fait, il lui faut fuir la colère de l’homme qu’elle outrage comme roi et comme époux. Avec la confiance que donne la foi, elle gagne Orléans, s’embarque sur la Loire, et arrive à Tours, où dans un des nombreux asiles ouverts près du tombeau de saint Martin, elle se met à écrire au roi. Comme elle n’a peur de rien, elle lui demande qu’il accepte de se séparer à l’amiable. Elle lui fait cadeau de tous les meubles, qu’il garde tout mais lui lâche la grappe !

Le vil Clotaire ne l’entend pas de cette oreille : il dirige sa fureur contre les évêques, dont il exige qu’ils attestent la nullité des vœux de la reine. Mais la peur du pouvoir des femmes consacrées à Dieu le retient : il menace mais ne fait rien.

Des mois s’écoulent, puis des années. Radegonde, d’asile en asile, mène une vie vouée à la prière. Dure envers elle-même, portant des cilices et jeûnant fréquemment, elle emploie son temps à soulager la souffrance des autres. Elle s'occupe des malades, fait leur toilette, lave leur linge. Aucune tâche ne la rebute. Elle fait installer un lieu spécial pour les lépreux, qu'elle soigne et réconforte, qu’elle embrasse, même, pour leur procurer de l’affection, alors que ses compagnes s'en écartent, terrorisées. Elle distribue si largement les biens qu'elle possède (*) qu'on s’étonne que la source n'en soit pas encore tarie. La réputation de sa bonté, de sa sainteté même, se répand au loin.

Un jour, cette sérénité est brisée: Clotaire veut la reprendre! Radegonde prend aussitôt la fuite, accompagnée d'Agnès et de Disciola. C'est là que se produit ce qui a traversé les siècles sous le nom de "miracle des avoines" : en sortant de Saix, elle dit à un paysan semant de l'avoine : "Mon ami, si aucun te demande si tu as vu passer par ici quelque personne, réponds fermement que ni homme ni femme n'y est passé". Au même moment, le grain à peine semé se met à croître, permettant aux trois femmes de s’y cacher. Clotaire arrive, questionne le paysan qui fait celui qui n’a rien vu.

Dans sa cervelle épaisse de roi franc peu habitué à réfléchir, la réponse du manant chemine lentement, de circonvolution en circonvolution, jusqu’à un endroit plus aéré où elle s’épanouit quelque peu. Clotaire comprend alors que s’obstiner à prendre de force une religieuse, fut-elle sa femme, constitue un délit sérieux. Aussi s'en retourne-t-il sans autre forme de procès.

C’est un miracle !

Mais Radegonde a eu si peur qu’elle décide de s’éloigner encore, et elle part en direction de la mer, vers Poitiers, où elle se rend à l’asile de saint Hilaire. Là seulement Clotaire reconnaît sa consécration et l’autorise à bâtir un monastère. Elle peut enfin mettre son pouvoir au service du peuple, bien plus grand sans doute qu’elle ne l’eût conservé à la cour barbare du roi.

(*) Chez les Francs, il est d’usage que l’épouse reçoive un don de son mari le lendemain de son mariage, don qu’on appelle morghen-gabe, présent du matin. Selon cet usage apporté de Germanie en Gaule, Radegonde, dépouillée de tout dans son pays par Clotaire, a reçu de lui un riche don du matin qu’elle consacre à la fondation de son monastère. Mais une fois tout réglé, son humilité l’empêche de garder le rang de supérieure. Elle fait nommer abbesse Agnès, cette jeune gauloise qu’elle aime depuis son enfance, et qui, de la cour, l’a suivie à Noyon, de Noyon à Tours, et de Tours à Poitiers.

Cela fait, Radegonde redevient simple religieuse, partage les travaux, balaie, sert à la cuisine, porte le bois et l’eau, garde le silence, et trouve délicieux tous ces exercices. Ainsi la fille du roi de Thuringe ne conserve, du triple caractère de reine, de fondatrice et de supérieure, que l’ascendant que lui donnent sa bonté et son amour pour les autres.

Presque tout ce que les Gaules renferment encore de familles nobles fournit au monastère de Poitiers des religieuses heureuses de vivre auprès d’une telle femme. Poitiers voit aussi venir les filles de rois victimes des crimes de leurs pères (comme Galswinthe, persécutée par Frédégonde).

À la mort de Clotaire en 561, Radegonde, première femme "faiseuse de paix" de tous les temps, réussit le tour de force d’accorder entre eux Chilpéric, Sigebert, Caribert et Gontran, les fils de son mari, "afin", dit-elle, "que la patrie ne périsse pas". 

Le 13 août 587, Radegonde rend son âme à Dieu. On dit que peu de temps avant, un homme jeune et merveilleusement beau est venu lui rendre visite: "Pourquoi, enflammée de désirs, me pries-tu avec tant de larmes? Pourquoi te répands-tu en supplications et t'infliges-tu de si cruelles tortures, pour moi qui suis toujours près de toi? Tu es une pierre précieuse, un des plus beaux joyaux de ma couronne."

On dit aussi qu’il s’agit de Jésus et que l'empreinte de son pied est encore dans la pierre ...

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