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Ma nature profonde..

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4 novembre 2016

La Belle et la Bête

belle 1

Il était une fois au royaume des Wisigoths d‘Espagne, une brune princesse qui était belle, belle, belle comme le jour. Elle était aussi intelligente et pleine de grâce, ce qui fait que lorsque son père Athanagilde la donne pour épouse à Sigebert, le roi franc d’Austrasie (un des petit-fils du grand Clovis), ce dernier ne se sent plus de joie.

Sigebert fait une fête magnifique en l’honneur de ses noces avec "l’étincelante Brunehaut, la perle nouvelle que l’Espagne a produite, plus brillante que le flambeau du ciel, autre fille de Vénus, dotée de l’empire de la beauté " etc, etc.

Cela se passe en 566 à Metz. Tous rient, festoient et ripaillent. Tous ? Non. Car Chilpéric, un des frères de Sigebert (enfin, un de ceux qui n‘a pas été zigouillé par leur propre père, le délicieux Clotaire, celui qui a épousé Radegonde), Chilpéric donc, est vert de jalousie. Déjà, il s’est fait avoir en héritant de la Neustrie, alors que son frère Sigebounet le chouchou a reçu la meilleure part (l’Austrasie), ensuite voilà maintenant qu’il a une femme splendide, alors que lui le pauvre il n’a qu’une petite trentaine de femmes toutes plus blondes les unes que les autres. C’est pô juste !

Du coup il demande à Athanagilde si des fois il ne lui resterait pas une fille ou deux ? Le roi d‘Espagne a bien encore en stock sa fille aînée, Galswinthe. Elle n'est pas aussi belle que la cadette mais compte tenu qu’elle amène des trésors d’une autre espèce, ceci compense cela et l’affaire est conclue.

belle 2

Comme Chilpéric est un homme qui a de la morale, il enferme d’abord dans un couvent la reine en titre, Audovère, renvoie toutes ses maîtresses aux cuisines, puis, l’âme sereine, épouse Galswinthe en 567, au cours d’une fiesta encore plus éblouissante que celle qui avait eu lieu pour le mariage de son frère.

Tout cela a l’heur de contrarier profondément Frédégonde, une des femmes que Chilpéric a relégué aux fourneaux. Quoique blonde, Frédégonde n’entend pas compter pour des prunes et encore moins rester servante toute sa vie.

Une nuit, elle étrangle la reine Galswinthe dans son lit et s’installe à sa place. Ce qui arrange bien le roi qui commençait à se lasser d’aller d’un lit à l’autre.

 Galswinthe

Seulement voilà : comme on le conçoit aisément, Brunehaut n’est pas très contente d’apprendre la mort de sa sœur et elle pousse son cher et tendre à la venger - bon, avouons qu'elle n'a pas trop de mal à convaincre Sigebert, vu la façon dont les petits-fils du grand Clovis se traitent entre eux, à l’image de leur père Clotaire qui a exterminé presque toute sa famille, neveux, fils, petits-fils .. (Néron, Hérode et Attila, c’est de la gnognote à côté).

Or donc, voici où nous en sommes en ce beau matin de 573 : Chilpéric, sortant tout émoustillé du lit de la belle Frédégonde, envahit brusquement le territoire austrasien.

Sigebert, armé jusqu’aux dents, lui fonce dessus avec son immense armée et le vainc.

sigebert

"Trop d’la balle ! " se dit Sigebert en entrant dans Paris avec Brunehaut, tout heureux à l’idée qu’il est maintenant le roi des Neustriens.

Seulement voilà, au moment même où il est hissé sur le pavois (c’est-à-dire promu au titre de roi à la mode franque) deux hommes envoyés par Frédégonde le laboure de coups de scramasaxes (le poignard franc). Sigebert meurt d’autant plus rapidement qu’elle a enduit elle-même de poison les lames des scramasaxes ..

Bilan des courses :

- Brunehaut passe direct de reine de Neustrie à prisonnière de Chilpéric (qui en aurait bien fait son cinq à sept), mais Frédégonde juge plus prudent de l’expédier en Normandie (Brunehaut, pas Chilpéric).

- Où la suit en secret Mérovée, un des fils que Chilpéric a eu de sa première épouse Audovère, qui est tombé direct amoureux de sa tante et arrive à force de persuasion et d’adroites caresses à lui faire oublier qu‘elle vient tout juste d‘être veuve.

Quand Frédégonde apprend cela, elle jubile, son nouveau plan étant de se débarrasser des enfants que Chilpéric a eu avec ses autres femmes pour que ses enfants à elle montent sur le trône. Elle fait donc tondre Mérovée qui, complètement traumatisé, se suicide.

En 577, une terrible épidémie de variole s’abat sur tout le royaume, emportant tous les fils de Frédégonde, qui se demande ce qu‘elle a bien pu faire au ciel pour qu’il s’acharne ainsi sur elle. De rage elle accuse de leur mort un autre des fils d’Audovère pour pouvoir le faire assassiner.

Seulement voilà, il faut qu’elle en refasse un autre! Pff.

Celui qui sera Clotaire II naît en septembre 584. Chilpéric tout heureux d’être à nouveau papa, rentre de la chasse pour aller voir son rejeton, et trouve Frédégonde au lit avec un de ses nombreux amants, ce qui le contrarie un peu.

Elle se dit qu’avec son caractère de cochon il est fichu de la répudier et décide de prendre les devants en le faisant assassiner à coups de scramasaxe (sa grande spécialité).

Sur sa lancée elle zigouille le fils de Brunehaut en 595.

belle

Frédégonde et Brunehaut se retrouvent donc face à face avec des pouvoirs égaux, l’une en Neustrie, l’autre en Austrasie. Elles donnent libre cours à la haine féroce qu’elles se vouent dans une longue suite de conspirations, de traîtrises, d’assassinats et de guerres (attitude qui, évidemment, serait inconcevable de nos jours). Si bien qu’en 597, lorsque la Grande Faucheuse vient chercher Frédégonde, ça l’énerve direct de devoir quitter ce monde sans avoir réussi à éliminer sa rivale.

Mais elle a tort de s’énerver: avec son fils Clotaire qui a grandi dans la haine de sa tante, la relève est assurée.

Après encore deux-trois petites guerres histoire de rester dans le bain, la vieille reine Brunehaut (elle a près de quatre-vingt ans maintenant), finit par être vaincue et faite prisonnière par son charmant neveu. Il la fait torturer pendant trois jours, puis l’installe sur un chameau pour que ses soldats l’insultent et l’humilient. Après quoi, il la fait attacher nue par un bras, une jambe et par les cheveux à un cheval fougueux qui court dans tous les sens comme un fou en faisant balloter le pauvre corps de la reine derrière lui.

"Purée, la journée a été rude !" gémit Brunehaut avant de rendre son dernier soupir...

Cette touchante scène de famille se déroulait à l'emplacement de l'actuel Louvre ...

belle A

Devant lequel pose ma fille

pour vous servir..

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3 novembre 2016

Depuis la nuit des temps

menapien GallischeHoeve

Ma maman, qui était du 2 novembre, disait toujours qu’elle était née "le jour des morts".

Cette notion du Jour des Morts est très ancienne puisqu’elle remonte à plusieurs siècles avant la naissance de Jésus. Tout commence il y a très longtemps, lorsque des hommes arrivent du Danube par vagues successives, passent le Rhin et se fixent sur  une terre fertile abondamment arrosée de cours d’eau, dotée d’un climat tempéré, ensoleillé et pluvieux, une sorte de jardin d’Eden qui, des centaines d’années plus tard, s’appellerait la France. Ces hommes - ils se nomment eux-mêmes les Celtes - les Grecs et les Romains les appellent des Gaulois.

Peu à peu, ces "Gaulois celtes" répandent sur l'accueillant territoire sur lequel ils se sont installés leurs lois, leurs coutumes et leurs rites. Car ces ancêtres venus d’ailleurs aiment notre terre, ils l’ensemencent, la cultivent, la font fructifier, ils se battent jusqu’à la mort pour la préserver. Ils nous ont légué leur joie de vivre, leurs grandes gueules, leur imagination débordante, leur attirance pour le fantastique, leur goût pour la belle ouvrage, leur faculté d’adaptation et leur farouche amour de la liberté. Seulement voilà, un jour le besoin de jouir de tout ce qui fait du bien au corps remplace la certitude de la Survie de l’Esprit qui rendait négligeable aux premiers Gaulois la perte de la vie, et c’est comme ça que les rites se sont perdus dans la nuit des temps. Enfin passons, et revenons à nos Celtes.

Nous sommes au premier siècle avant notre ère, la quinzième nuit avant atenoux de Cutios (le 1er novembre d’aujourd’hui). Oui, parce que nos ancêtres les Gaulois ne comptent pas les jours comme nous. D’abord pour commencer, ils ne comptent pas en jours: ils comptent en nuits. Pour eux, c’est la nuit qui précède le jour, et pas l’inverse (même si au bout d’un moment, on peut imaginer que la nuit ne va pas tarder à le suivre, enfin passons). Les noms des mois gaulois, n’en déplaise à Goscinny, se terminent par –os et pas par –ix. L’année gauloise commence en juin, par le mois de Samonios. Elle se termine donc en mai (logique) par le mois de Cantlos. Chaque mois est divisé en deux quinzaines, avant et après atenoux (la nuit du milieu).

Donc, pour en revenir à nos moutons, nous sommes la 15e nuit avant atenoux de Cutios, et nous fêtons Samonios, ou Samain, c’est-à-dire la célébration du début de la saison sombre – puisqu’il n’existe que deux saisons, la sombre et la claire.

Samain n’appartient ni à la saison claire (qui s’achève), ni à la saison sombre (qui va commencer). C’est une période autonome, hors du temps, "un intervalle de non-temps" qui permet aux vivants de rencontrer les défunts. Elle marque une rupture dans la vie quotidienne : la fin des conquêtes et des rafles pour les guerriers et la fin des travaux agraires pour les agriculteurs-éleveurs. Elle permet aussi aux défunts, non réincarnés, de passer dans le monde des vivants pour y retrouver les lieux et les personnes qui leur sont chers. C’est pour cela qu’elle est propice aux événements magiques et mythiques.

Comme toutes les grandes fêtes gauloises, Samain compte trois jours de solennités: le premier est consacré à la mémoire des héros, le deuxième à celle de tous les défunts, et le troisième aux réjouissances populaires et familiales marquées par des réunions, des banquets, des festins de toutes sortes qui peuvent se prolonger une semaine durant.

La veille a eu lieu la cérémonie de la renaissance du feu. Les propriétaires des maisons ont éteint les feux de l’âtre avant de se rassembler à la nuit tombante sur la place où les druides ont procédé à l’allumage d’un nouveau feu sacré en frottant quelques bois secs du chêne sacré. Ils ont ensuite allumé de grands feux de joie sur les collines environnantes pour éloigner les esprits malfaisants. Puis chaque maître de maison est reparti avec quelques braises tirées du nouveau feu sacré pour rallumer un nouveau feu dans l’âtre de sa maison, feu qui doit durer jusqu’à la prochaine fête de Samain et protéger ainsi le foyer tout au long de l’année.

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Dans cette dernière nuit d’Ogronios (31 octobre), le monde des morts, des fées et des sorcières entre en contact avec celui des vivants. Les âmes des défunts reviennent errer autour des maisons des vivants, c'est pourquoi on laisse la porte entrouverte et une place à table, et on place des lanternes sur les chemins pour les guider.. Les enfants n’en sont pas effrayés. Ils savent toutes ces choses, puisque dès l’âge de sept ans, ils viennent recevoir l’enseignement oral dispensé par les druides instituteurs. Ils y apprennent par cœur la vie des héros - chantée par les bardes -, le calcul, le rythme des saisons, la composition de l’univers, le nom des étoiles, le courage, l’honneur, les droits et les devoirs envers le peuple et envers leur famille. Les petits Gaulois ne craignent pas la mort, ils savent qu’elle n’est qu’un passage, que leur esprit ne peut pas mourir, qu’un jour, il se sépare du corps qu’il a animé pendant la vie et quitte le troisième cercle pour se fondre dans le deuxième, celui qui entoure le cercle central: le cercle de l’Incréé que Nul n’Ose Nommer. Oui, cette entité primordiale, nul ne s’adresse directement à Elle. Ce sont des intermédiaires qui se chargent de transmettre leurs prières et de recevoir en Son nom des sacrifices, que dans la pauvreté du langage humain, les hommes appellent des dieux : Toutatis, le protecteur de la tribu ; Lug, le compagnon des voyageurs ; Tarranis, le dieu du tonnerre ; Cernunnos, le barbu aux cornes toujours renaissantes ; Sucellus, le frappeur au marteau, qui, le moment du passage venu, séparera le corps de l’esprit.

Mais les montagnes, les sources, les arbres, oeuvres directes de l’Incréé sans le secours de la main de l’homme, sont la preuve évidente de son existence.

Donc, cette quinzième nuit avant atenoux de Cutios, on ne se couche pas. On chante dans les rues, on boit et on ripaille. La joie est sur tous les visages, on danse sur la place, les manteaux bariolés des hommes se mêlent aux chitons des filles qu'on aperçoit sous leur cape. Les épouses se blottissent dans les bras de leur mari et les jeunes gens échangent des sourires. Un garçon essaie d’attirer l’attention d’une jeunette, elle peut avoir quinze ou seize ans, elle est fine, jolie, rêveuse, et comme toutes les femmes ne se mêle pas de la conversation des hommes. Elle fixe les flammes du feu. Il semble qu’elle a senti le regard sur elle car ses joues rosissent. Elle disparaît derrière une tenture, revient avec un pichet de cervoise, prend des timbales sur une étagère et sert à boire. Lorsque le jeune homme saisit la timbale qu’elle lui tend, leurs doigts s’effleurent.

N’est-ce pas comme ça que les amours se font depuis la nuit des temps ?

Beltaine show 15

1 novembre 2016

Le plus beau joyau de ma couronne

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Par une nuit sans lune, disais-je, le petit groupe de femmes embarque sur un frêle esquif qui glisse silencieusement sur les eaux de l'Omignon. Mais les fugitives naviguent dans la mauvaise direction, se rapprochant involontairement de celui qu’elles fuient: le cruel Clotaire. Elles traversent Soissons sans encombre mais sont reconnues près de Missy. C'est comme ça que s'achève la folle escapade.

Puisque la future reine est à Soissons, Clotaire décide de l’y rejoindre pour y célébrer le mariage. Radegonde continue de faire du zèle en refusant de vêtir les atours de son rang. C’est donc dans une robe de bure, telle Jeanne d’Arc au bûcher, que la future reine mérovingienne est unie de force à Clotaire. Pour fêter ça, elle se met au pain sec : qu’on distribue ses plats aux pauvres !

Bien qu’elle soit encore très pure, Radegonde sent qu’il y a quelque chose de peu convenable dans les regards que lui porte son époux quand le soir vient. Aussi, une fois les assauts passés, s’agenouille-t-elle sur la pierre nue et froide la nuit, pour chanter des psaumes, ou se relève-t-elle pour s’étendre en prière jusqu’à en geler. Ce qui a le don de contrarier Clotaire. "Quel gâchis ! Un si joli lot !!"

Dégoûté que Radegonde fasse passer Dieu avant lui, Clotaire essaie de l’amadouer en lui faisant des cadeaux. Elle en profite pour réclamer sa clémence vis-à-vis des condamnés à mort...

Vous rappelez-vous que c’est Clotaire qui a tué toute la famille de Radegonde alors qu’elle n’était qu’une enfant ? Le vase déborde avec un nouvel acte de cruauté qui lui ferme à jamais son cœur: l’assassinat de son frère Hermanfried. Cette fois, la reine explose de colère et de douleur. Clotaire de son côté en a ras-le-bol d’être un incompris et se demande ce qu’il a encore fait? Il chasse sa femme en espérant qu’elle lui reviendra plus soumise et plus gaie. 

L’occasion est trop belle : accompagnée de ses femmes et d’Agnès, une jeune fille qui lui est particulièrement attachée, elle va à Noyon pour s’y faire moinette. Cela fait, il lui faut fuir la colère de l’homme qu’elle outrage comme roi et comme époux. Avec la confiance que donne la foi, elle gagne Orléans, s’embarque sur la Loire, et arrive à Tours, où dans un des nombreux asiles ouverts près du tombeau de saint Martin, elle se met à écrire au roi. Comme elle n’a peur de rien, elle lui demande qu’il accepte de se séparer à l’amiable. Elle lui fait cadeau de tous les meubles, qu’il garde tout mais lui lâche la grappe !

Le vil Clotaire ne l’entend pas de cette oreille : il dirige sa fureur contre les évêques, dont il exige qu’ils attestent la nullité des vœux de la reine. Mais la peur du pouvoir des femmes consacrées à Dieu le retient : il menace mais ne fait rien.

Des mois s’écoulent, puis des années. Radegonde, d’asile en asile, mène une vie vouée à la prière. Dure envers elle-même, portant des cilices et jeûnant fréquemment, elle emploie son temps à soulager la souffrance des autres. Elle s'occupe des malades, fait leur toilette, lave leur linge. Aucune tâche ne la rebute. Elle fait installer un lieu spécial pour les lépreux, qu'elle soigne et réconforte, qu’elle embrasse, même, pour leur procurer de l’affection, alors que ses compagnes s'en écartent, terrorisées. Elle distribue si largement les biens qu'elle possède (*) qu'on s’étonne que la source n'en soit pas encore tarie. La réputation de sa bonté, de sa sainteté même, se répand au loin.

Un jour, cette sérénité est brisée: Clotaire veut la reprendre! Radegonde prend aussitôt la fuite, accompagnée d'Agnès et de Disciola. C'est là que se produit ce qui a traversé les siècles sous le nom de "miracle des avoines" : en sortant de Saix, elle dit à un paysan semant de l'avoine : "Mon ami, si aucun te demande si tu as vu passer par ici quelque personne, réponds fermement que ni homme ni femme n'y est passé". Au même moment, le grain à peine semé se met à croître, permettant aux trois femmes de s’y cacher. Clotaire arrive, questionne le paysan qui fait celui qui n’a rien vu.

Dans sa cervelle épaisse de roi franc peu habitué à réfléchir, la réponse du manant chemine lentement, de circonvolution en circonvolution, jusqu’à un endroit plus aéré où elle s’épanouit quelque peu. Clotaire comprend alors que s’obstiner à prendre de force une religieuse, fut-elle sa femme, constitue un délit sérieux. Aussi s'en retourne-t-il sans autre forme de procès.

C’est un miracle !

Mais Radegonde a eu si peur qu’elle décide de s’éloigner encore, et elle part en direction de la mer, vers Poitiers, où elle se rend à l’asile de saint Hilaire. Là seulement Clotaire reconnaît sa consécration et l’autorise à bâtir un monastère. Elle peut enfin mettre son pouvoir au service du peuple, bien plus grand sans doute qu’elle ne l’eût conservé à la cour barbare du roi.

(*) Chez les Francs, il est d’usage que l’épouse reçoive un don de son mari le lendemain de son mariage, don qu’on appelle morghen-gabe, présent du matin. Selon cet usage apporté de Germanie en Gaule, Radegonde, dépouillée de tout dans son pays par Clotaire, a reçu de lui un riche don du matin qu’elle consacre à la fondation de son monastère. Mais une fois tout réglé, son humilité l’empêche de garder le rang de supérieure. Elle fait nommer abbesse Agnès, cette jeune gauloise qu’elle aime depuis son enfance, et qui, de la cour, l’a suivie à Noyon, de Noyon à Tours, et de Tours à Poitiers.

Cela fait, Radegonde redevient simple religieuse, partage les travaux, balaie, sert à la cuisine, porte le bois et l’eau, garde le silence, et trouve délicieux tous ces exercices. Ainsi la fille du roi de Thuringe ne conserve, du triple caractère de reine, de fondatrice et de supérieure, que l’ascendant que lui donnent sa bonté et son amour pour les autres.

Presque tout ce que les Gaules renferment encore de familles nobles fournit au monastère de Poitiers des religieuses heureuses de vivre auprès d’une telle femme. Poitiers voit aussi venir les filles de rois victimes des crimes de leurs pères (comme Galswinthe, persécutée par Frédégonde).

À la mort de Clotaire en 561, Radegonde, première femme "faiseuse de paix" de tous les temps, réussit le tour de force d’accorder entre eux Chilpéric, Sigebert, Caribert et Gontran, les fils de son mari, "afin", dit-elle, "que la patrie ne périsse pas". 

Le 13 août 587, Radegonde rend son âme à Dieu. On dit que peu de temps avant, un homme jeune et merveilleusement beau est venu lui rendre visite: "Pourquoi, enflammée de désirs, me pries-tu avec tant de larmes? Pourquoi te répands-tu en supplications et t'infliges-tu de si cruelles tortures, pour moi qui suis toujours près de toi? Tu es une pierre précieuse, un des plus beaux joyaux de ma couronne."

On dit aussi qu’il s’agit de Jésus et que l'empreinte de son pied est encore dans la pierre ...

31 octobre 2016

Les tribus franques

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Je prends la liberté d’appeler Francs germaniques les trois frères qui possédaient la Thuringe (située au  centre de l’Allemagne actuelle), pour vous permettre de les différencier des Francs saliens qui occupaient ce qui deviendrait notre future France.

En réalité, les Francs est un terme générique pour désigner un ensemble de tribus d’origine germanique, pas seulement allemande comme on le pense peut-être, mais aussi scandinave.

En raison de l’immense diversité des peuples composant la Germanie, les historiens l’ont divisée en trois branches (nordique, occidentale, orientale), elles-mêmes subdivisées en sous-groupes.

Les Francs font partie du sous-groupe des Germains de Rhénanie, ce sont des "Germains occidentaux".

Le mot Franc signifie homme libre, vaillant. Les Francs en effet se veulent "libres de toute domination", y compris celle des Romains. C'est ainsi que cet essaim de tribus s’est peu à peu romanisé par le biais du service militaire, avant d’être fédéré à l’empire au Ve siècle.

Avec leur arrivée au début du cinquième siècle, tout change en Gaule. De contrée florissante qui égale presque l’Italie par sa civilisation et sa culture intellectuelle, la Gaule se transforme en un champ de désolation. À cette foule confuse venue de tous les points du Nord, Sicambres, Suèves, Sarmates, Chamaves, Ampsivariens, se mêlent les Gaulois qui ont échappé aux massacres. Il en résulte la plus bizarre variété dans les armes et dans la manière de se vêtir.

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Les Francs, d’après la description de leurs contemporains Tacite et Sidoine Apollinaire, sont très grands et très blonds. Ils ont les yeux bleus et étincelants, la voix forte, l’air farouche, le corps d’une grande blancheur. C’est une race audacieuse, prompte, indomptable, aimant le danger. L’été, ils habitent des huttes ; l’hiver, des souterrains.

Les Francs n’ont pas de soldats ; c’est la nation qui marche à la guerre. Les femmes conduisent leurs enfants, suivent leurs maris, pansent leurs blessures, et au besoin, combattent.

Tous les hommes en état de porter les armes prennent part au combat, où les uns vont nus, les autres à demi couverts de la dépouille de bêtes, et le plus petit nombre avec des vêtements courts et serrés qui prennent exactement la forme du corps. Le jeune guerrier porte au bras un anneau de fer, et ne le quitte qu’après une belle action qu’on appelle la rançon du brave.

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Au temps de Tacite, l’usage des longs cheveux n’appartient, entre tous les peuples germains, qu’aux Suèves. Ceux-ci relèvent leurs cheveux et les ramènent sur le sommet de la tête pour en former un ou plusieurs noeuds.

Les autres Francs adoptent d’abord cette mode puis l’abandonnent pour celle qui consiste à ce que le derrière de la tête soit entièrement rasé, que les cheveux de devant tombent sur le front et que ceux des côtés descendent le long des joues jusque sur les épaules.

Pour se rendre plus impressionnants dans les combats, les Francs peignent, comme les anciens Gaulois, leurs cheveux avec une composition d’un rouge très vif. Leurs lèvres s’ombrent de longues moustaches mais seuls les "grands" portent la barbe.

Du Ve au IXe siècle, les Francs cohabitent donc sur les terres qui deviendront beaucoup plus tard la France, la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas.

Dans les faits, les "rois de France" portent le titre de roi des Francs jusqu’à Philippe-Auguste (XIIe siècle).

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Expansion des Francs depuis l'avènement de Clovis (481)

30 octobre 2016

La folle escapade

 

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Des paysages d’une rare beauté, d’innombrables forteresses et châteaux, une diversité incomparable, voilà ce qui caractérise la Thuringe, terre qui vit naître celle qui allait devenir un jour une de nos plus grandes reines mérovingiennes, et surtout, la première "faiseuse de paix" de l'Histoire des Francs: Radegonde.

Située au nord du royaume franc, la Thuringe est de longue date une menace à laquelle Clovis doit faire face. Mais ce sont les fils du grand roi franc qui vont définitivement asservir ce peuple turbulent.

Cela se passe au VIe siècle de notre ère. La Thuringe appartient alors aux trois frères Francs germaniques (1) Berthaire (père de Radegonde), Badéric et Hermanfried. Ces trois-là ne dérogent guère à la coutume franque qui consiste à se zigouiller entre eux jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un.

Se débarrasser de Berthaire est relativement aisé, ce qui fait qu’à l’âge tendre de 3 ans, Radegonde se retrouve dans les trophées de guerre de son oncle Hermanfried. Lorsque sonne l’heure d’alléger à son tour Badéric de sa part du royaume, la lutte s’annonce plus acharnée, c’est pourquoi Hermanfried va crier besoin chez Thierry son voisin.

Bon là, je le sens, je vous ai perdus.

Eh bien Thierry, roi d’Austrasie, est le fils aîné de Clovis. Il se partage la France avec le dernier frère qu’il lui reste, Clotaire, roi de Neustrie, vu que tous les autres héritiers sont déjà passés de vie à trépas (toujours la mode franque).

Hermanfried, pour obtenir l’aide de Thierry, lui promet de lui donner la moitié des terres de son frère s’il l’aide à le tuer. Sauf qu’une fois Badéric liquidé, Hermanfried oublie sa promesse ..

Clotaire pour venger Thierry surgit hors de la nuit, et de la pointe de l’épée signe sur la tronche d’Hermanfried un C qui veut dire Kaputt. La bataille a lieu au bord d’un fleuve, et le carnage est tel qu’en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, le lit de la rivière est encombré de cadavres dont les Francs de Clotaire se servent comme d’un pont pour passer d’un bord à l’autre, faisant ainsi preuve d’un esprit pratique qui laisse pantois.

Outre de nombreuses richesses, les deux rois francs découvrent dans cette terre hostile un joyau d'une valeur incommensurable : Radegonde, qui est d'une beauté éblouissante. L'attrait qu'exerce cette ravissante fillette sur les deux hommes est tel que, lorsque vient le moment de se l'attribuer lors du partage du butin, ils en viennent presque aux mains (ce qui est surprenant, vous en conviendrez, lorsqu’on sait comme ces gens-là sont civilisés). Finalement ils décident de la tirer au sort, sort qui oblige Thierry à abandonner la petite princesse à son frère.

Radegonde, résignée, fait son balluchon pour être trimballée cette fois avec le reste du butin de guerre à Soissons, où se tient la cour de Clotaire, laissant derrière elle le royaume de ses pères qui n’est plus qu’une ruine.

Malgré son peu de moralité, le roi de Neustrie éprouve quelque scrupule à épouser une enfant impubère (petite précision : pour les Francs, le mariage se réduit en fait à la consommation charnelle..). Clotaire reste donc dans son palais avec seulement Arégonde (2), sa deuxième épouse, ainsi que quelques concubines officielles,  pendant que Radegonde est emmenée de force à la villa royale d’Arthies en Picardie, où elle reçoit d’Ingonde, la première épouse de Clotaire, une éducation intellectuelle et religieuse très poussée.
Pour se changer les idées des meurtres épouvantables dont elle a été le témoin en Thuringe, la jeune princesse, qui a vu ses parents et ses amis égorgés puis abandonnés sans sépulture aux charognards, se donne corps et âme aux études. Elle bénéficie à Arthies de l'enseignement des meilleurs professeurs, qui lui transmettent les subtilités de la culture classique ainsi que, malgré ses origines païennes, une fervente piété religieuse. Radegonde fait preuve d'une grande intelligence, au point qu’elle est considérée comme une des femmes les plus brillantes de son temps.

C’est donc vers une Radegonde raffinée et très cultivée que les regards de Clotaire se tournent lorsque Ingonde meurt, à seulement 35 ans.

Radegonde est alors âgée de 18 ans. Mais comme on s’en doute, le temps qui a passé depuis son enlèvement n'a pas fait oublier à la princesse que c’est Clotaire qui a assassiné toute sa famille, aussi Radegonde ne saute-t-elle pas de joie à l’idée d’épouser son tyran (i.e. partager sa couche, je rappelle). Seulement voilà : tout comme les femmes romaines, les femmes franques sont subordonnées à la volonté des hommes, si bien que la seule issue pour Radegonde est de prendre ses jambes à son cou. Ce qu’elle fait avec la complicité de ses servantes.

Par une nuit sans lune, le petit groupe de femmes embarque sur un frêle esquif qui glisse silencieusement sur les eaux de l'Omignon. Malheureusement, les fugitives naviguent dans la mauvaise direction, se rapprochant dangereusement de Vitry où on est en train d’organiser le banquet de mariage. Comprenant leur erreur peu après Péronne, elles font demi-tour et remontent le courant à la rame, mais le cours d'eau devient impraticable. Radegonde entraîne alors sa suite à continuer à pied, en portant la barque à bout de bras, jusqu’à l'Oise. De là, la jeune femme et ses compagnes remontent la Seine, au risque de se rapprocher de Paris qui est alors aux mains de Clotaire, puis bifurquent par l'Aisne vers le nord pour rejoindre le royaume de Thierry. Elles traversent Soissons sans encombre mais sont reconnues près de Missy, des portraits robots ayant été diffusés dans tout le royaume par le cruel Clotaire.

C'est comme ça que s'achève la folle escapade. Puisque la future reine est à Soissons, Clotaire décide de la rejoindre dans sa capitale, pour que le mariage y soit célébré …

 

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Dans les prochains épisodes:

(1) Où l'on apprendra un peu plus qui étaient les Francs.

(2) Où l'on s'émerveillera de l'ingéniosité de ceux-ci pour se trouver épouse(s).

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30 octobre 2016

Où l'on apprend que Clotaire ne rechigne pas à se dévouer

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Fier guerrier, tyran à ses heures, Clotaire a une folle passion pour la gent féminine. Bien qu'ayant de nombreuses concubines, rien ne lui plaît autant que de s'encanailler et de séduire.

Son épouse, la douce et discrète Ingonde s'offusque d'autant moins de ses moeurs dissolues qu'elle a appris, comme toutes les femmes franques, à se plier aux volontés de son seigneur et maître.

Heureux, le mariage d'Ingonde et de Clotaire l'est sûrement pour que la reine adresse en toute confiance à son époux la requête que voici : Ingonde a une jeune soeur, Arégonde, et elle s'inquiète pour son avenir.

"Acceptez de désigner pour ma soeur, qui est aussi votre servante, un mari intelligent et riche", implore-t-elle.

Clotaire, qui malgré tout ce qu'on raconte à son sujet a un bon fond, aussi sec se rend à la villa où sa belle-soeur séjourne. Là, il tombe raide d'admiration devant la jeune vierge et sans hésiter une seconde la fait sienne. Comme vous le savez maintenant, eu égard aux traditions mérovingiennes, leur union charnelle a valeur de mariage légal.
Tout content de la façon dont il a résolu le problème Arégonde, le roi s'en retourne à la Cour et s'empresse d'annoncer la bonne nouvelle à sa femme.

"Cherchant l'homme riche et intelligent qu'il me fallait marier à ta soeur, je n'ai trouvé personne de meilleur que moi. Apprends donc que je l'ai prise pour épouse".

Pendant qu'Ingonde digère ce revirement qui fait de son propre mari son beau-frère, Clotaire court se dévouer auprès de Gontheuque, la veuve de son frère Clodomir ..

28 octobre 2016

Interlude!

Petite pause dans la narration afin de vous emmener du côté de Soissons! (promenade faite par moi-même il y a 5 ans).

Du coup aurais-je pu titrer "Pause", mais je n'ai pas résisté au plaisir d'utiliser ce délicieux mot désuet qui évoque toujours, du moins le crois-je, le "Petit train-rébus" de ma jeunesse..

Allez, zou! Prêts pour la balade? C'est parti!

vase de Soissons

Soissons vient du nom des Gaulois belges les Suessions, y fixés dans cette vallée en 20 avant J.C., après la conquête romaine de César. La cité porte d'abord le nom d'Augusta Suessionum

Soissons est alors considérée comme l'une des cités les plus étendues de la région après Reims et Amiens, étant traversée par un important réseau routier de voies romaines qui la relie à Reims et Senlis, à Noyon et Amiens, à St Quentin, à Château-Thierry et Lyon et enfin à Meaux et Paris.

Le premier des Francs a s'y installer est Childéric, le père de Clovis. Ce dernier en fera lui-même sa capitale avant de se fixer à Paris en 508. Lorsque Clovis meurt en 511 la Gaule est partagée entre ses quatre fils (il n'est toujours pas question de France, les rois sont rois des Francs), c'est comme ça que son fils, Clotaire 1er, en fait sa capitale, ainsi que Chilpéric, roi de Neustrie et époux de la fameuse Frédégonde rendue célèbre par sa rivalité avec Brunehaut dont elle a fait assassiner la soeur (je ne manquerais pas d'y revenir).

C'est encore à Soissons qu'au VIIIe siècle a lieu l'élection de Pépin-le-Bref (père de Charlemagne), successeur des Mérovingiens déchus.

Enfin, à la suite d'un combat livrés sous ses murs en 923, Charles le Simple perd son trône au profit de la maison de France.

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Où mes pas me mènent-ils?

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À la cathédrale de Soissons!

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"Il n'y a point d'heures dans cette cathédrale..

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.. il y a l'éternité"

(Rodin)

J'espère que la promenade vous a plu. Bonne journée à vous!

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24 octobre 2016

Six cent quarante portes

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Imaginez un paysage floconneux à perte de vue, un chemin qui n'a de chemin que le nom pour la bonne raison qu'il ne sert à rien, et vous voilà au milieu de nulle part, à la porte d'un palais qui possède 640 portes, des poutres faites de lances, des tuiles, de boucliers, et dont l'éclat radieux se reflète au ciel les nuits d'été.

Imaginez que vous êtes un valeureux guerrier, hululant presque de joie à l'idée de franchir la porte qui va vous mener au Walhalla, le Paradis franc.

Oui, parce que vous êtes mort, et c'est une superbe Valkyrie qui vous a mené là. Comme ses copines, elle passe son temps à virevolter au-dessus des champs de bataille, choisissant avec soin les hommes les plus braves afin de les mener devant Odin, le Dieu des Dieux, le Zeus des Francs, le Jupiter des Mérovingiens.

D'ailleurs il est là, Odin, allongé sur son divan, entouré de Nornes plus voluptueuses les unes que les autres, il caresse le plumage de Hugin (l'Esprit) et Munnin (la Mémoire), ses deux corbeaux perchés sur ses épaules. Il boit de l'hydromel doux, il donne à manger à ses loups.

À ses côtés, une merveille de suavité aux yeux bleus et à la chevelure dorée. C'est Freyja, la déesse de l'amour, de l'érotisme, de la guerre et de l'intimité. Ces deux-là se sont violemment aimés dans leur jeune temps (enfin, façon de parler, vu qu'ils sont éternellement jeunes), seulement voilà : Freyja s'est aussi tapé laissée séduire par les deux frères d'Odin (il faut dire qu'elle est tellement super belle qu'aucun mâle normalement constitué ne peut lui résister, donc tout ça, ce n'est vraiment pas sa faute). Oui donc, Odin qui est un vilain coléreux lui annonce que tout est fini entre nous, et la plante là en emmenant ses frangins avec lui. Se retrouvant sans amant, Freyja pleure des larmes d'or rouge qui se transforment en ambre en tombant dans la mer ..

Puis elle se mouche et prend une grande décision : puisque les hommes ne vont plus à elle, c'est elle qui ira aux hommes. Elle grimpe sur son char personnel tiré par deux chats - symbole de la chaleur charnelle, comme l'on sait - et va déclarer à Odin qu'à partir de tout de suite, elle veut la moitié des guerriers morts au combat.

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Elle précise pas pour quoi faire, mais on se doute .. Tu m'étonnes que les Francs n'avaient pas peur de mourir !

Sur ces mots, elle repart, digne, entourée des esprits ailés de l'amour et du désir, sa chevelure laissant tomber dans son sillage des fleurs printanières.

Bref, au  Walhalla, tel est le programme des réjouissances : le jour on se bat, on s'entretue pour renaître encore et se pourfendre indéfiniment; la nuit, on est convié soit dans le lit de Freyja (la déesse de la sensualité, je vous rappelle), soit au banquet d'Odin à boire de l'hydromel et manger des sangliers en folâtrant avec les vierges guerrières.

Et tout ça, jusqu'à la dernière guerre qui aura lieu au moment du Ragnarök (la fin du monde), à l'occasion duquel un Ase, Loki, se libérera (dans la mythologie franque il y a deux sortes de dieux : les Ases et les Vanes). Oui, parce que Loki est vraiment un sale type, il passe son temps rien qu'à tuer les autres (comme si c'était le genre des Francs), alors les Ases l'ont attaché avec les entrailles d'un de ses fils sous un serpent dont le venin goutte sur son visage. Trop de la balle les Ases non ?

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Alors, ça vous plaît la mythologie franque? Vous en voulez encore?

 

24 octobre 2016

Copain comme cochon

Après avoir défait les Germains (à Tolbiac pour certains - aujourd'hui Zülpich, près de Cologne -, à Strasbourg pour d’autres), Clovis revient près de sa femme Clothilde. Cette dernière est tenace : entre deux baisers, elle lui reparle de son âme, si bien qu’un beau matin, le roi accepte enfin d’être instruit dans la religion chrétienne par le pieux évêque qui deviendra un jour Saint Remi.

C’est ainsi que le 25 décembre 496, au cours d'une fête à grand spectacle qui se déroule à Reims où toute la ville et la cathédrale sont décorées pour l'occasion, le roi, paré de sa seule nudité, entre dans la piscine du baptême où il est immergé, pendant que (futur) Saint Remi lui dit : "Mitis depona colla, Sicamber !" (qu'on a traduit par "Courbe la tête, Sicambre (1)!" alors qu'en vrai ça veut dire : "Dépose tes colliers, Sicambre", autrement dit: "Ne fais plus confiance à tes amulettes de païen").

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Dans la foulée Clovis y colle ses soeurs Aldoflèda, prénom qui signifie beauté autoritaire, et Antéchilde (la première est païenne, la seconde, arienne)(2), ainsi que des milliers de ses soldats dans une fabuleuse joute nautique dont s'inspirera Guy Lux pour ses jeux d'interville.

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À partir de là, son triomphe n'a plus de fin : à une époque où les autres rois barbares sont ariens, Clovis est reconnu comme chef par les millions de Gallo-Romains catholiques qui peuplent la Gaule. Soutenu par les évêques, dont la puissance est immense, le tout premier Rex Francorum - Roi des Francs - soumet les Burgondes, les Wisigoths (3), bref, tous ceux qui tombent sous sa framée, ce qui fait de lui le premier roi catholique romain à dominer un territoire qui s'étend de Cologne jusqu'au Golfe de Gascogne.

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En 508, Clovis décide, après Tournai et Soissons, de fixer sa capitale en un point géographique plus au centre de son royaume : il choisit Paris (il y vit dans un palais de l’île de la Cité)(4), influencé par Sainte Geneviève avec qui il est copain comme cochon, vu qu'elle a super la côte auprès des Parisii depuis qu'elle a suggéré aux Huns par la force qui est en elle d'aller voir ailleurs si l'herbe était plus verte.

En 511, Clovis qui n'a que 45 ans, s'éteint, épuisé mais heureux. Il laisse un immense royaume à ses quatre fils qui vont s'entretuer se le partager, secondés par deux reines d'enfer : Frédégonde et Brunehaut.

Mais ceci est une autre histoire ... 

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(1) Comme les Gaulois, les Francs sont divisés en plusieurs tribus : les Chamaves, les Chattes, les Ansivariens, les Bructères, les Chérusques, les Angrivariens, les Hattuaires, les Tubantes, les Tenctères, les Usipètes, les Sicambres ..

(2) Sont païens tous ceux qui ne sont pas chrétiens. Ils pratiquent une religion polythéiste, ainsi les Germains adorent-ils Wotan (Odin) dieu de la guerre et des morts, Thor (Donar) qui protège les paysans contre les géants, Freya la déesse de l'amour, etc.. J’aurai l’occasion de vous reparler bientôt de tout ce petit monde.

Les ariens pensent que le Christ n'est pas le fils de Dieu, mais un être doté de pouvoirs exceptionnels. L'arianisme, créé en 318 par Arius (256-336), prêtre d'Alexandrie, sera condamné par le concile de Nicée en 325 réuni sur l'ordre de l'empereur Constantin, et Arius condamné, exilé et ses idées proclamées hérétiques.

(3) La conversion de Clovis fit du roi franc le champion de la cause chrétienne en Occident et le libérateur possible des catholiques de Burgondie et d'Aquitaine, soumis aux persécutions ariennes. L'entrée officielle dans l'église catholique de ce premier roi "barbare" a surtout rendu possible et fécond l'amalgame des Francs et des Gallo-romains. Son baptême marque le début du lien entre le clergé et la monarchie française : dorénavant le souverain règne au nom de Dieu !

(4) Le royaume mérovingien conservera Paris, qui compte alors 30000 habitants environ, comme "principale" capitale jusqu'à la fin du règne de Dagobert : avec la décadence du pouvoir des derniers rois mérovingiens, Paris perdra ensuite de son importance (sous les Carolingiens, la capitale deviendra Aix-la-Chapelle en Allemagne).

22 octobre 2016

Brave au combat

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Un beau matin de l'an 300 et des brouettes, nos ancêtres les Gallo-Romains voient une horde de guerriers blonds à la nuque rasée et aux cheveux ramenés sur le sommet du crâne s'abattre sur la Gaule et ravager tout sur leur passage. Ce sont des Francs, que les Romains, histoire de les faire tenir tranquilles cinq minutes, tentent de prendre comme auxiliaires dans leurs légions. Il faut dire que les Francs sont des guerriers dans l'âme, ou plutôt dans l'arme dont ils ne se séparent jamais, même après la mort ! Ils y mettent tout leur art et toute leur richesse, et d'ailleurs, ils sont redoutables au combat : ils excellent à faire tournoyer leur bouclier, à lancer leur hache (ils ne manquent jamais leur but), et s'ils accompagnent d'un bond le vol de leur lance, ils tombent avant elle sur l'ennemi ! La mort peut les abattre, la crainte, jamais !

Seulement voilà, question discipline, ils sont encore pires que les Gaulois, et ne mettent pas long feu à n'en faire qu'à leur tête. Leur tempérament batailleur et leur farouche esprit d'indépendance empêchent longtemps ces tribus éparses de s'unir pour former une nation. Plus souvent ennemis qu'amis, contre les Romains que pour, leurs divisions ne prennent fin que le jour où le roi d'une charmante petite tribu de Francs saliens subjugue tous ses voisins : Clovis, plus exactement Chlodweg, ce qui dans leur patois signifie "brave au combat".

Lorsque Childéric, père de Clovis, meurt en 481, Chlodweg n'a que quinze ans et hérite d'un minuscule domaine de rien du tout  autour de Tournai (au nord-est, c'est-à-dire en Belgique actuelle). Rien encore ne laisse présager qu'en trente ans, à force de guerre, de diplomatie et de quelques menus crimes deci delà, il en fera un royaume bien plus grand que la France d'aujourd'hui.

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Mais nous n'en sommes pas là. Pour l'instant Clovis est un barbare païen qui ne cherche rien qu'à embêter son voisin, en l'occurrence Syagrius, un Gallo-Romain qui règne sur le domaine situé au sud du petit royaume franc. En trois coups de cuiller à pot, Syagrius est égorgé et tous ses biens et les églises pillés. Le butin est rassemblé à Soissons en attendant d'être distribué à l'ensemble des militaires. Chez les Francs, on se partage tout à parts égales, qu'on soit chef ou simple soldat, chacune des parts étant tirée au sort, y compris celle du roi. Or, Clovis espère récupérer un magnifique vase d'argent, très lourd et d'une grande beauté, provenant d'une des églises dévastées, que le partage ne lui a pas attribué.. Il le demande au soldat qui l'a reçu, mais ce dernier refuse et même, histoire de faire de la provoc, le cabosse avec sa hache (le vase, pas son chef). Clovis fait celui qui ne calcule pas, mais en vrai, il n'oublie rien de rien du tout et l'année suivante, en passant ses troupes en revue, il tombe nez à nez avec l'homme qui a refusé sa requête et lui fait comme ça : "Personne n'a d'armes aussi mal tenues que les tiennes !! Ta framée, ton épée, ta francisque, rien ne vaut !!"

Et saisissant ladite francisque, il la jette à terre. Le soldat honteux et confus se baisse pour la ramasser, alors le roi lève sa hache et la lui plante dans le crâne, en prononçant ces mots célèbres qui ont traversé les siècles : "Comment qu'i m'a vénère çui-la !!!!".

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On voit tout de suite dans ce geste spectaculaire le signe que Clovis est prédestiné à tourner le dos à la barbarie païenne pour embrasser l'humanisme chrétien ("Oeil pour oeil, dent pour dent !").

En attendant, la victoire de Soissons le rend maître de toute la Gaule du Nord. "C'est bien bête d'être tout seul à profiter de tout ça", se dit-il en poussant un énorme soupir - surtout qu'il a hérité de son père un penchant quelque peu excessif pour la gent féminine (Childéric avait la fâcheuse manie de s'approprier les femmes qui étaient à son goût - or, elles y étaient toutes - ce qui contrariait très légèrement les pères et les maris ..).

Bref. Clovis se met en quête d'une épouse, et la trouve en la personne de Clothilde, une princesse catholique de très bonne famille (bon OK, l'oncle qui l'a élevée avait zigouillé toute la famille pour rester seul maître à bord - ce ne sont pas des choses qui arriveraient de nos jours ..) oui et donc, Clothilde, en plus d'être de sang royal, était d'une très grande beauté (il n'y a vraiment pas de justice en ce bas monde).

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Désireux de lui montrer qu'il y est fort sensible, Clovis la couvre de caresses et l'envoie direct au paradis. Du coup, Clothilde veut lui en faire connaître un autre et décide de le convertir au catholicisme. Ce n'est pas gagné : Clovis se prend déjà pour Dieu, vu que les Francs sont persuadés que leurs rois en sont (des Dieux). Et la preuve indiscutable en est leurs longs cheveux blonds (c'est bien simple, pour se débarrasser d'un Franc, il suffisait de lui raser la tête : il se trucidait sur le champ tellement il était traumatisé de ne plus avoir ses cheveux).

D'ailleurs, quand le grand-père de Clovis, Mérovée - qui a donné son nom à la dynastie mérovingienne - est venu aux Champs Catalauniques donner un coup de main à Aetius pour écraser les Huns, on devait voir de loin sa belle chevelure dense et bouclée voler au vent.

Enfin bref.

Clovis n’est donc pas fou de joie à l'idée d'embrasser la religion de sa femme, surtout qu'il a quand même d'autres chats à fouetter, en l'occurrence ses cousins germains les Alamans, une bande de pillards qui vient d'envahir la plaine d'Alsace. Sans leur laisser le temps d'avancer à l'intérieur des terres, Clovis se rue sur eux avec tous ses Francs. Seulement voilà, les propos de Clothilde l'ont tellement contrarié qu'il n'est pas du tout à ce qu'il fait : bilan, ce qui devait arriver arrive, l'avantage tourne en faveur des Alamans !! C'est là que Clovis a une idée de génie : il s'écrie : "Ho Clothildas Gott !!" (en franc dans le texte), "wenn du mir gibt das Sieg, werde ich ein Christlich geworden!! (Oh Dieu de Clothilde ! Si tu me donnes la victoire, je me ferai Chrétien !)"

Dieu répond : " Tope-là, mon pote !"

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Aussitôt, chambardement de situation : les Alamans sont rétamés en moins que rien.

Cela se passait à Tolbiac, et l'écho de cette victoire résonne encore dans le XIIIe arrondissement de Paris..

 

À SUIVRE ...

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Ste Clothilde (tout-à-fait à gauche)

Cathédrale de Soissons

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