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Ma nature profonde..

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23 janvier 2017

La chevalière

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Chevalières: de mon père, de ma grand-mère (sa mère) et de Maman.

Chacun de mes parents portait une chevalière en or, mon père avec son alliance à l’annulaire gauche, Maman à l’auriculaire droit, comme le veut la tradition.

La chevalière est un bijou qui existe depuis fort longtemps. En effet, beaucoup de chevalières ont été découvertes dans les tombes des pharaons de l’Égypte ancienne et de certains hauts fonctionnaires. La chevalière servait alors de "petit sceau utilisé à des fins formelles ou officielles", c’est-à-dire de signature, à une époque où peu de gens savaient écrire. Le terme français “chevalière” est né bien plus tard, au Moyen Âge au temps de la chevalerie.

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Chevalière de Toutânkhamon,

11e pharaon d'Égypte (1336 avant J.C.)

Chacune des chevalières retrouvée dans une tombe était unique. Les motifs se composaient de symboles dédiés à la nature et aux dieux. Les scarabées y étaient très souvent présents. Les Grecs empruntèrent à leur tour ce symbole pour les leurs, mais y mélangèrent le symbolisme de leur propre culture. À leur tour, autour du 6ème siècle avant J.C., les Étrusques adoptèrent les chevalières des Grecs, affichant leurs propres symboles de pouvoir et de prestige sur les bagues, comme des griffons ou des lions. Et ainsi de suite jusqu’à ce que l’extension de l’Empire Romain contribue à populariser la chevalière parmi les peuples de l'Europe occidentale, dont la France.

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Anneau sigillaire* de la reine Arégonde (ou Arnegonde), VIe siècle, reine des Francs; une des épouses de Clotaire 1er, la plus ancienne reine de France retrouvée à ce jour.

Par la suite, avec l’alphabétisation de la civilisation occidentale, les signatures manuscrites pour sceller les documents importants remplacèrent la chevalière. C’est alors que cette bague, dénuée de son utilisation première, devint le symbole d’un rang, d’un patrimoine familial ou d’une position sociale. Autrefois, elle était traditionnellement réservée aux descendants mâles (lignée agnatique**) d'une famille noble. Leurs armoiries y étaient gravées et ils pouvaient s'en servir comme sceau dans la cire pour marquer leur courrier.

Petit à petit, l'usage de la chevalière s'est propagé aux autres classes (d'un certain niveau social tout de même, puisqu'elles sont en or). Ce lien entre le port de la chevalière et l'appartenance à un certain milieu, authentique ou prétendue, persiste encore aujourd'hui dans l'imaginaire. Au Moyen Âge déjà, l'anneau se portait à l'annulaire gauche en signe de distinction pour rappeler l'engagement du chevalier.

(*) Anneau sigillaire: autre nom de la chevalière.

(**) Un agnat (du latin agnatus, de agnasci, naître à côté de) désigne dans le droit romain le membre d'une famille ayant le titre de descendant par les mâles d'un même pater familias ou comme enfant adopté par celui-ci.

Par extension, en généalogie, lorsqu'on travaille sur la lignée agnatique cela signifie qu'on s'intéresse à la lignée des hommes d'un individu, c'est-à-dire père, grand-père, etc, dans les ascendants, et fils, petit-fils... pour les descendants, par opposition à la lignée cognatique.

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21 janvier 2017

Les mariages autrefois

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Comment se déroulait un mariage autrefois? Déjà il faut savoir que le rituel du mariage n’a pas toujours existé. Avant, les couples vivaient ensemble, et leur vie commune était reconnue par leurs familles respectives et par le village. Lorsqu’ils en avaient assez, l’union cessait. Cette notion de "mariage" telle que nous la connaissons aujourd’hui ne s’est répandue qu’autour du XIe siècle seulement. Avant, à l’époque du système féodal, l’unique but du mariage était d’éviter le morcellement des terres, ce qui fait que le choix de l’époux se faisait en fonction de ce qu’attendait le clan et les parents des mariés. Ce fut le début des mariages "arrangés", dans lesquels fils et filles étaient perçus comme autant d'occasions d'alliance au service des familles. Les innombrables mariages entre les milieux nobles en témoignent. Le petit peuple n'était pas soumis à de telles pressions mais copia une partie des habitudes de la noblesse dans ce domaine. On réservait notamment le mariage à l’aîné des fils, les autres garçons de la famille devant se contenter d’unions non officielles comme le concubinage.

Par ailleurs, grande différence avec de nos jours, on ne se mariait pas par amour ! Le but premier était d’avoir des enfants et deuxièmement, de se protéger des risques liés aux relations intimes multiples. Les médecins eux-mêmes prescrivaient le mariage sans amour et sans plaisir pour contrer les effets néfastes de l’amour conjugal excessif ! On a du mal à s'imaginer épouser quelqu'un dans cet état d'esprit de nos jours!clin d oeil (2)

Donc, pour en arriver à cette liberté qui semble naturelle où l’homme demande directement à la femme aimée de devenir sa compagne, que de chemin parcouru! Il a fallu attendre que la femme soit plus libre et considérée, et que par conséquent son inclination amoureuse soit respectée, ce qui n’était pas forcément le cas autrefois.

Jusqu’à la Révolution de 1789 où est apparu le mariage civil, lorsqu’on disait mariage on parlait en fait du mariage religieux.

Voici comment les choses se déroulaient :

Il y avait tout d’abord le temps des fiançailles, ou accordailles, qui étaient la promesse de mariage. C’était souvent le seigneur qui était chargé, au nom du prétendant, de faire la demande aux parents de celle qu’il espérait épouser. Au début du XXe siècle, il existait encore des intermédiaires qui étaient chargés de sonder tout en finesse les sentiments des jeunes gens et faire savoir si le projet avait ou non l’assentiment de l’intéressée. Ce n’est qu’ensuite que la demande en mariage officielle pouvait être faite.

À partir de là, quarante jours devaient s’écouler jusqu’au mariage lui-même, ce qui permettait de publier les bans (obligatoire depuis 1215) et donnait le temps nécessaire pour vérifier qu’il n’y avait aucune opposition au mariage. Seulement voilà, si les promis impatients "consommaient" leur union avant la bénédiction nuptiale, ils risquaient l’excommunication!! (C'est-à-dire qu’ils étaient rejetés par l’Élise et qu’ils n’avaient plus le droit de recevoir les sacrements du baptême, du mariage, de l’enterrement! C'était la pire des peines, car pour les gens l’Église avait une importance capitale dans leur vie !)

A quel âge pouvait-on se marier ?

Il suffisait d’être pubère (c’est-à-dire d'avoir quitté l'enfance, ce que nous appelons aujourd’hui l’adolescence), c'est-à-dire avoir 14 ans pour un garçon et 12 ans si on était une fille. Par contre les futurs mariés avaient besoin de l’autorisation de leurs parents tant qu’ils étaient mineurs, soit jusqu’à 30 ans pour les hommes et jusqu’à 25 ans pour les femmes. Néanmoins, j’ai vu dans les actes de mariage de mes ancêtres qu’en réalité, à tout âge l’autorisation parentale était nécessaire pour pouvoir se marier. Du reste, au-delà de cet âge imposé de 30 ans pour les hommes et 25 ans pour les femmes, si les futurs époux n'obtenaient pas l’accord des parents et se mariaient quand même, ils risquaient d’être déshérités.

Comment se vêtait la mariée ?

Les robes des mariées n’ont pas toujours été blanches ! Aujourd’hui encore, se marier en robe de couleur semble parfois choquant et pourtant, la tradition de la robe immaculée est récente : il faut attendre le XIXe siècle pour qu’apparaisse enfin cette fameuse robe blanche. En fait, être la plus belle était le seul impératif de la jeune mariée. Il fallait, pour cette occasion unique, sortir de l’armoire ses plus beaux atours ou bien se faire confectionner une nouvelle robe par la couturière. Les premières robes de mariée blanches, ornées d’un long voile, n’apparaissent que vers 1830.

Couronne de fleurs, bouquet de la mariée, décor floral... Les fleurs bordent le chemin des mariés. Honneur à la fleur d’oranger qui est la fleur du mariage par excellence.

Donc, quarante jours après l’engagement solennel des fiançailles, les mariages ont lieu de fort bon matin (5 ou 6 heures), alors que les fiancés sont à jeun. Ils se déroulent en public, comprennent l’échange des consentements, la remise de l’anneau, la bénédiction nuptiale donnée par un prêtre, puis la messe.

Le cortège se rend à l’église au son des flûtes et des tambours où le prêtre de la paroisse les accueille sous le porche.

Sous l’Ancien Régime (= avant la Révolution), les mariages de nuit sont fréquents. Ils ont pour raison d’obscures frayeurs populaires : celles du diable. En bénissant de nuit les fiancés, on pensait conjurer le sort, empêcher l’impuissance et la frigidité.

Jusqu’au XIe siècle, l’anneau (alliance) est symbole de fiançailles plutôt que de mariage et seule la femme le porte. Ce n’est que beaucoup plus tard, lorsque la cérémonie des fiançailles précède en fait celle du mariage, que l’anneau signifie désormais promesse et gage de fidélité et, comme l’engagement concerne aussi bien l’homme que la femme, on en vient naturellement à l’usage de deux anneaux.

Pour la jeune fiancée pure et vierge (comme il se doit), la bague de fiançailles ne doit comporter que des pierres blanches et des perles.

La loi du 20 septembre 1792 prescrit que les témoins, au nombre de deux ou de quatre, doivent avoir vingt et un ans révolus et peuvent être, grande première !, du sexe féminin. Avant la Révolution les témoins étaient forcément des hommes.

Les mariages étaient l’occasion de faire la fête ! Transformer cette journée en événement exceptionnel, quitte à y engloutir une partie de sa fortune ou de sa dot, a toujours semblé naturel. La fête avait plus ou moins d’éclat et était plus ou moins longue selon la fortune de la famille. Les mariages dans les campagnes s’étalaient sur plusieurs jours, ceux des jeunes filles nobles sont prétextes à d’incroyables fêtes qui durent parfois plus de dix jours.

À toute époque, la festivité la plus courante lors des mariages est la danse. Dans les villages on fait la fête pendant plusieurs jours. Tous les habitants du village sont conviés et le clocher sonne à toute volée le début de la noce. Après la cérémonie religieuse, le cortège accompagné des musiciens se promène dans tout le village. Après les longs travaux des champs, les couples se laissent entraîner par la frénésie de la danse, grisés par le vin, joyeux de rire, ils bavardent gaiement et entament une farandole.

Le mariage c’est le joli temps des présents. Les noces marquent un échange de dons entre le marié, la mariée, les parents et les invités. La mariée, héroïne de la fête, est bien entendu au centre de ces échanges. Ces cadeaux sont des présents d’amour, mais sont aussi des dons à valeur symbolique : une promesse sera plus difficile à rompre s’il y a eu échange répété de cadeaux. C’est une façon détournée - et agréable ! - de fixer de manière palpable l’accord oral des deux familles. Depuis le Moyen Age, les invités apportent des cadeaux aux jeunes mariés pour compléter l’installation de leur ménage. Dans les villages, cela peut être une marmite, un seau, un berceau ou même des cadeaux alimentaires : chapons, oies grasses, vins, jambons. Les parrains et marraines offrent des cadeaux de plus grande importance comme une bassinoire en cuivre ou une soupière en faïence. Dans les familles plus aisées, on donne des pièces d’orfèvrerie ou de porcelaine, un objet d’art ou du mobilier.

Dès le début du XXe siècle, les invités regroupent leurs dons en espèces, selon le système de notre liste de mariage, pour faire un plus beau cadeau et ne pas offrir un bibelot quelconque qui risque de finir au fond d’une armoire ou au grenier.

Coupe de mariage en argent gravée aux initiales ou au nom de la jeune fille et portant l’année du mariage, dans laquelle boivent les époux le jour de leurs noces (on la retendra à la jeune accouchée lors de chaque délivrance), tasses et gobelets en étain ou en argent ornés de beaux motifs ciselés, verres de mariage aux initiales des fiancés, entourées de guirlandes de fleurs, tout comme la paire de cruches décorées d’un coeur et marquées aux initiales du couple font également partie des cadeaux traditionnels.

Presque toutes les familles avaient, à la campagne, une cloche de verre épais où la mariée déposait précautionneusement, au lendemain de la noce, sa couronne tressée de fleurs d’oranger. À côté de la couronne séchant doucement à l’abri de la poussière, la jeune femme ajoutait, au gré des années des souvenirs de baptêmes d’enfants, d’anniversaires, etc. Toute la vie de l’épouse pouvait être résumée par les objets contenus sous le globe dont la couronne formait le premier maillon.

À partir de la Révolution Française

La Révolution modifie considérablement le mariage en 1793 en retirant à l’Église le monopole des mariages :

- Création du mariage civil, qui doit précéder obligatoirement le mariage religieux.

- Possibilité de rompre le lien marital (le divorce est autorisé à partir du 20 septembre 1792).

Du 1er vendémiaire an VII (22 septembre 1798) au 28 Pluviôse an VIII (17 février 1800), les mariages doivent être célébrés obligatoirement chaque décade (les 10, 20 et 30 de chaque mois). Une "fête annuelle des époux", le 10 floréal de chaque année, a été instaurée par la loi du 3 brumaire an VI.

À cette époque, certains mariages avaient lieu au "temple décadaire". Ce "temple" était le lieu de réunion du "culte décadaire" (decadi = jour de repos républicain).

Ce culte d’une religion "républicaine", après l’abolition du culte catholique, puis "culte de la Raison", puis "culte de l’Être Suprême", pour finir en "théophilantropie" (croyance en un Dieu bon et en l’immortalité de l’âme), a existé entre 1793 et 1802.

Certaines églises (très peu, comme celles de Clermont-Ferrand), ont servi à ce culte.

17 janvier 2017

Sur les épaules d'un petit garçon

Une nuit, Arlette s'éveilla en poussant un cri. Elle avait fait un rêve étrange : un arbre était sorti de ses entrailles et avait recouvert de son ombre la Normandie et l'Angleterre.

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Elle regrettait de ne pas être devineresse et d'ignorer ce que cela annonçait. Heureux présage pourtant, puisque “d’icele Arlot fu un fiz nez, qui Guillealme fu appelez ”, fils qui deviendrait un jour le maître d'un empire s'étendant de part et d'autre de la Manche.
Quelques mois plus tard naquit effectivement le fils annoncé, que l’on nomma Guillaume.

Dès les premiers jours, l'enfant se fit remarquer. Alors qu’une nourrice l'avait posé un instant sur le sol jonché de paille, elle le retrouva les bras pleins de brindilles : "Ah ! Mon beau, comme vous serez conquérant et tant vous aurez de riches honneurs, plus que tous vos ancêtres !"

Mais pour l’heure, le beau en question devait se contenter d’être le Bâtard, étant né d’une union More Danico.

Robert et Arlette s’aimaient d’amour tendre, et leur union porta un deuxième fruit, en la personne d’Aeliz.

 

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Là-dessus, Robert décida de se refaire une santé et il partit pour Jérusalem, comme c’était la mode en ces temps reculés [*].

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Mal lui en prit : le 2 juillet 1035 à Nicée (actuelle Turquie), alors qu’il était sur le chemin du retour, Robert mourut, bien loin d’une Normandie dont la destinée reposait désormais sur les épaules d’un petit garçon de sept ans ...

****

[*] À cette époque, les gens d’Europe du Nord poursuivaient un rêve étrange : ils voulaient arracher la Terre Sainte (Jérusalem et ses alentours) des mains des Musulmans. À l’appel du pape, des hordes de pèlerins armés de leur seule foi se mirent ainsi à marcher vers ces terres lointaines. Des hordes de soldats partirent à leur tour, ceux-là lourdement armés. Peu en revinrent.

Regardez ce médecin musulman qui s’apprête à soigner une migraine avec un peu d’aspirine. Il voit soudain surgir un prêtre chrétien. Celui-ci déclare que la migraine est l’œuvre du démon, sort un marteau de sa poche et troue le crâne du malade. Puis il saupoudre le cerveau de sel bénit.

Admirez maintenant la tronche que fait le médecin...

En deux cent ans, neuf croisades officielles vont se succéder. Voyez ces miséreux qui partent à trente ou cinquante mille, rançonnent les régions qu’ils traversent, meurent de faim, de froid et de maladie. Quand ils arrivent devant la mer Méditerranée, ils sont moins de dix mille. Là, ils attendent que la mer s’ouvre pour leur livrer passage. Pas de bol, la Méditerranée ne veut rien savoir.

Réduits à faire du bateau-stop, les survivants sont vendus comme esclaves sur les marchés orientaux.

À la fin des croisades, vers 1300, la Terre sainte retombera aux mains des Musulmans ...

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16 janvier 2017

Les sens retournés

Bonjour à vous,

désolée pour cet interlude un peu longuet! Pour me faire pardonner, je viens vous raconter la suite de l'histoire des ancêtres de Guillaume le Conquérant.

Je vous souhaite une belle journée!

 ***

Robert et Arlette, les parents de Guillaume

Il était une fois, en l'an de grâce MXXVII, un jouvenceau de 17 ans répondant au nom de Robert et qui était le fils cadet de Richard II, duc de Normandie, lui-même arrière-petit-fils de Rollon.

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 Un soir que Robert rentrait de la chasse, il fut frappé en pleine face par la beauté d’une jeunesse foulant le linge au lavoir avec ses compagnes, le bliaut retroussé jusqu’aux hanches. "Elle avait couleur plus fine que fleur de rose ou bien d'épine".

Cela devait être, en effet, ravissant.

Le pauvre garçon, les sens tout retournés, guettait chaque jour la jeune fille de la fenêtre de son donjon pour voir si elle venait à la fontaine du val d’Ante, la petite rivière qui coulait au pied de son château de Falaise, alors capitale du duché de Normandie.

Quant la belle n’était pas au lavoir, elle chantait et dansait dans les champs, montrant ses charmes sans la moindre gêne, "ce qui estoit chose bien plaisante", et rendait Robert légèrement congestionné.

Cette nymphe lui apparaissait, ânonnait-il, "sage et aimable et vertueuse et belle, blonde, avec beau front et beaux yeux". Il n'eut plus qu'une idée en tête : la mettre dans son obtenir un rendez-vous galant avec cette Alrez, Herlèva, Arlot, enfin bref : Arlette.

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Le soir même, il dépêcha son chambellan auprès des parents d'Arlette, Fulbert et Doda, de simples mais honnêtes bourgeois de Falaise. Le père avait un grand sens de l'honneur : duc de Normandie ou pas, il était hors de question qu’il cédât sa fille sans la promesse d'un mariage en bonne et due forme.

Oui, parce qu’il faut que je vous explique qu’alors, sévissait chez les Normands en général et dans la Normandie ducale en particulier, un type de vie maritale, appelé union More Danico (littéralement : "à la manière danoise"), consistant en une sorte de concubinage, comme je vous l'ai raconté dans le premier texte, ici

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.. et plus précisément de polygamage avec enlevage des femmes, voire capturage lorsqu’elles ne mettaient pas suffisamment de bonne volonté à se faire enlever.

Inutile de préciser que ce genre d’union était moyennement appréciée par l'Église.

Or donc, Robert aurait bien concubiné Arlette à la mode de chez lui, d’autant plus que ladite ne semblait pas insensible à son charme. Seulement voilà, elle avait un caractère de cochon. "Je n'ai nullement l'envie, quand le duc me mande à lui, d'y aller comme une fille à soldats ou une pauvre chambrière." 

Non. Ce qu’elle voulait, Arlette, c’était arriver en grand apparat dans l'enceinte de la forteresse. Elle éclata donc en sanglots au refus de son père et pleura pendant cinq jours, sans s’arrêter, même pas la nuit. Ce déluge, qui humidifiait tous les lits de la maison, eut le don d’exaspérer prodigieusement Fulbert, qui se résolut à laisser aller sa fille jusqu’au château, juchée sur un palefroi telle une princesse.

Ah ! C’est qu’elle avait un fichu du caractère, la fille du bourgeois de Falaise ! Son abondante chevelure liée par un fin bandeau argenté retombait en mèches blondes sur sa pelisse grise, tandis qu’elle redressait fièrement son nez au vent, telle une Cléopâtre moyenâgeuse.

Devant Robert cependant elle se fit humble, douce et murmurante. Ils parlèrent un peu, se plurent beaucoup, s'apprivoisèrent énormément, se découvrirent à la folie, jusqu’à ce que le jeune homme l’initie à des jeux fort attrayants pour des jeunes gens de leur âge et fit d’Arlette sa frilla

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À suivre..

13 décembre 2016

Le grand blond à la terreur noire

Il était une fois un beau Viking haut de 2 mètres et large de 140 kgs, qui répondait au doux nom de Rollon. Enfin, Rollon, c’est son nom francisé, car dans son lointain pays scandinave, il s’appelait Hrólfr, qui pourrait se traduire par "le marcheur", vu qu’il était si grand qu’aucune monture ne pouvait le porter et que par conséquent il se déplaçait en marchant.

Or donc, à force de multiplier les raids, Rollon et sa bande de Vikings n’arrivaient plus à soutirer quoi que ce soit des bords de Seine épuisés par les pillages et les tributs (Danegeld dans le texte) qu’ils passaient leur temps à réclamer aux villageois. Ils se mirent donc à exploiter directement le pays, à le coloniser et à le contrôler. Et quand je dis "le pays", je ne parle pas uniquement de la région qui aujourd’hui porte leur nom. Car les grands blonds à la Terreur noire ne limitaient pas leurs exactions aux rivages de la Mer du Nord et de la Manche, ils daignaient pousser le snekkar jusqu’en Atlantique, longeant le littoral ibérique et se répandant en Méditerranée, de l’Espagne à la Toscane, en passant par la Provence.

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Devant leurs assauts répétés, la population avait fui la Neustrie en laissant veau, vache et enfants. Le pillage viking était en effet systématique et succédait aux razzias saisonnières. C’est comme ça que Rollon se retrouva un beau jour maître de la région de Rouen, c’est-à-dire un peu trop près du cœur du royaume franc, ce qui ne manqua pas de déstabiliser le roi de France Charles le Simple, petit-fils de Charles le Chauve [contrairement à ce que l’on pourrait supposer, Charles le Simple n’était pas un benêt mais un homme au jugement loyal et droit, simplex en latin signifiant le Sincère].

Or, en 911, des princes du royaume franc mirent en déroute l’armée de Rollon devant Chartres. Ce fut le moment idéal pour suggérer à Rollon et à sa bande d’en finir avec leur manie de tout brûler et de tout détruire. La proposition ne pouvait pas mieux tomber, les Normands commençant à fatiguer de devoir envahir et envahir sans arrêt. C’est vrai, quoi. Ils n’avaient pas que ça à faire, non plus…

Le marché proposé par Charles le Simple, retenu par les historiens sous le nom de traité de St-Clair-sur-Epte, était le suivant : le roi de France confiait aux Normands la défense des territoires entre l’Epte et la mer, qui deviendraient plus tard le duché de Normandie. En retour, les Normands devaient prêter fidélité au roi et tous se faire baptiser.

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Rollon accepta et, à la suite de sa conversion au Christianisme, prit le nom de Robert. Toute sa bande se fit aussi baptiser.

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Il faut bien reconnaître que Rollon, pardon : Robert, puisque c'est le nom qu'il reçut à son baptême, était un homme de parole : les Normands ne revinrent jamais au paganisme. Rollon arrêta les attaques contre les terres du roi Charles le Simple et empêcha même d’autres flottes vikings de remonter la Seine pour piller.

Quant au serment de fidélité, il se déroula de la manière suivante :

Les comtes [*] se rassemblèrent autour du roi qui attendait sous une immense tente sur les bords de l’Epte, à St Clair, dans l’actuel Val d’Oise. Les Normands entrèrent avec à leur tête Rollon qui s’approcha du roi Charles le Simple assis sur son trône.

Selon l’usage, Rollon devait s’agenouiller et baiser le pied royal. Refusant ce geste de soumission, il demanda à un de ses hommes de le faire à sa place, mais ce dernier ne se trouva guère plus enclin à se prosterner. Alors Rollon saisit le pied du roi pour le porter à ses lèvres en signe d’allégeance (le chef viking mesurait deux mètres, je rappelle…).

Ce qui devait arriver arriva, le roi partit à la renverse avec son trône, et c’est un roi hilare, empêtré dans sa tunique, qui se releva tant bien que mal tandis que tout le monde avait sorti son épée. Mais le rire du roi gagna toute l’assemblée. Finis les raids vikings !

Rollon profita des bonnes dispositions du roi de France pour demander la main de sa fille Gisèle, après quoi, transporté d’amour, il déploya un zèle considérable pour relever les abbayes qu’il s’était donné tant de mal à mettre en ruines, il rebâtit les villages, agrandit son comté malgré l’hostilité de ses puissants voisins (notamment le comte de Flandre) et d’autres bandes vikings à l’intérieur même de la Normandie.

C’est de cette époque que datent les noms en -beuf (du norrois bud qui signifie demeure) : Elbeuf, Quilbeuf ; les noms en -fleur (de flodh, signifiant baie) : Harfleur, Honfleur (horn-flodh = embouchure du tournant) ; le nom Dieppe, de diup, profond ; Houlgate, de gate, rue, etc.

La Normandie vivait enfin en paix, on disait que les charrues pouvaient dormir dans les champs. On disait aussi que Rollon avait attaché un anneau d’or à un arbre de la forêt de Roumare en mettant au défi les voleurs de venir le dérober !

Ici s’achève l’histoire de Rollon, l’aventurier scandinave qui n’avait pas froid aux yeux.

Voilà. J'espère que ça vous a plu, et je vous dis à bientôt pour la suite!!

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N.B. Par simplification, les historiens présentent Rollon comme le premier d’une dynastie prestigieuse, celle des ducs de Normandie. En réalité, il n’a jamais porté ce titre. Il était comte de Rouen ou comte des Normands (ou encore jarl, qui veut dire prince en vieux norrois). En fait, le premier duc de Normandie fut son arrière-petit-fils, Richard II (grand-père de Guillaume le Conquérant).

***

[*] Au Xe siècle, la France - plus exactement ce qui deviendra la France -, démembrée sous le gouvernement des descendants de Charlemagne, ne s’étend à l’Est que jusqu’au Rhône, à la Saône et à la Meuse. Et encore, le pouvoir royal n’est que nominal, et tient en un mot : Paris, qui est alors une bourgade occupant l’Île de la Cité : quelques églises, le palais de l’évêque, celui du roi (sur l’emplacement de l’actuel Palais de Justice), un marché, des ruelles. Deux ponts relient l’île aux deux rives. Avec Paris et ses environs, le roi dispose d’une petite langue de terre qui va de Soissons à la Loire. Tout petit, le domaine royal, tout petit : une vingtaine d’évêchés, des seigneuries, le tout couvrant de façon discontinue le bassin parisien !

Du reste, on ne parle pas encore de royaume de France mais de Francie occidentale (les deux demi-frères de Charles ont, l’un, Lothaire 1er, la Lotharingie (qui va de Rome à Amsterdam en passant par Lyon, autrement dit c’est n’importe quoi), et l’autre, Louis le Germanique, hérite de l’Allemagne (logique)).

Du désordre même qui règne dans le pays va naître un ordre nouveau : la féodalité. Les paysans, sans défense devant les bandes armées qui désolent le pays, se regroupent autour d’un propriétaire plus riche et plus fort. Ils s’engagent à le servir et lui à les protéger. Le pacte féodal entre le seigneur et ses vassaux est né : à genoux, sans armes, le vassal se reconnaît l’homme d’un autre, son obligé. Le seigneur va désormais défendre son vassal, élever ses fils, marier ses filles.

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Ainsi, dans toute la Francie, on se met à élever des châteaux, environnés d’épaisses murailles et flanqués de tours afin de résister aux assauts. Dès que le guetteur posté sur la plus haute tour discerne au loin un danger, il souffle dans sa trompette et aussitôt, le paysan quitte son champ, rassemble sa famille, ses bestiaux et monte se mettre à l’abri dans le château.

Ces seigneurs isolés se groupent à leur tour sous la protection de seigneurs plus puissants, les barons qu’ils prennent pour suzerains. On remonte ainsi aux comtes, aux ducs, et comme cela jusqu’au roi qui est le suzerain de tout le monde même si personne ne l’écoute... Les seigneurs en effet passent leur temps à n’en faire qu’à leur tête et à se battre entre eux. Ils ne connaissent qu’une loi : celle de la guerre.

Et pourtant ! Et pourtant, ces comtes, barons, ducs, grands mangeurs, grands buveurs, grands chasseurs et grands batailleurs devant l’Éternel, deviennent tout tendres et tout craintifs dès lors qu’on évoque le "benoît Seigneur Jésus-Christ" et la "gente Dame Marie"…

 

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13 décembre 2016

St-Clair-sur-Epte

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12 décembre 2016

L'écume des lèvres

Nous sommes au IXe siècle, et tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes si le Danemark était un véritable royaume. Au lieu de cela, les clans de l’élite guerrière s’affrontent pour accéder au trône, ce qui oblige de nombreux aristocrates scandinaves à monter des expéditions en Occident pour leur permettre de démontrer leur bravoure et leur capacité de commandement (et accessoirement, de s’enrichir en pillant tout sur leur passage). La France à ce moment-là ne ressemble pas du tout à ce qu’elle est, et encore moins à ce qu’elle était avant la mort de Charlemagne le 28 janvier 814 : un empire immense, englobant quasiment toute l’Europe actuelle, que ses trois petits-fils se partagent entre eux à peine leur aïeul passé de vie à trépas, entraînant la dislocation du vaste empire de leur grand-père. C’est à ce moment-là seulement que la Gaule prend le nom de France, et son premier roi est Charles le Chauve [1].

Pour en revenir à nos Vikings, un jour donc (bien après Charlemagne à qui personne n’osait s’attaquer), des villageois francs aperçoivent sur la mer un drakkar qui file sur eux à toute allure. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, ceux qu’on appelait encore les Vikings accostent sur la rive, non pas armés de haches, comme on a voulu le faire croire (celles-ci n’étant utilisées que par les pauvres, et pour couper le bois), mais de longues épées à double tranchant à qui ils donnent un petit nom mignon comme "Mord-la-jambe" ou "Garde d’or". Ces épées tout comme leurs autres armes (lance, javelot) sont pour eux des armes d’Odin (le Zeus des Scandinaves) : elles touchent toujours leur cible.

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Ceci dit, leurs armes c’était pour le décorum on va dire, parce qu’avec leur 1m82 (au bas mot) grâce à un régime hyper-protéiné, contre 1m60 chez leurs adversaires, ils excellent au corps à corps, et n’ont pas franchement besoin de leurs épées.

Ainsi, pour la première fois, l’ennemi ne vient pas à pied mais de la terrifiante mer, filant en silence sur des drakkars longs de vingt à quarante mètres et armé jusqu’aux dents. Pour la première fois, les envahisseurs ne sont pas des hommes avançant lentement vers leur destinée avec leur bétail, leurs enfants, leurs femmes et leurs lourds chariots, mais des bêtes féroces tapies dans les zones marécageuses attendant le meilleur moment pour semer le désespoir dans des attaques terrifiantes visant Dieu, ses serviteurs et ses maisons. Car les Vikings cultivent l’art de se rendre positivement effrayants : non seulement ils sont immenses, leur épaisse chevelure volant au vent, mais ils surgissent par surprise, dans un silence absolu, et seulement alors, s’abattent sur leurs proies avec des bruits terrifiants, agitant leur carquois, poussant des cris de bête, dont ils portent d’ailleurs la peau (des peaux d’ours) sur leur beau corps nu, atteignant ainsi un stade de folie furieuse à rouler des yeux et à mordre les boucliers de leurs adversaires, l’écume au bord des lèvres.

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Les Francs, des gens extrêmement civilisés comme l’on sait, sont immédiatement totalement terrifiés. Il faut dire qu’avec un souverain aussi religieux que Charlemagne, comment auraient-ils pu être préparés à ce genre de truc de ouf ? Charlemagne en effet, convaincu qu’il était que Dieu lui avait confié la tâche d’évangéliser tous les barbares de France et de Pétaouchnok, avait, avec ses Francs, décapité en 782 quatre mille cinq cent gens du nord qui ont dans les yeux le bleu qui manque à leur décor, et déporté 12000 de leurs femmes et enfants qui refusaient le baptême.

Comme nous le rapporte un témoin de l’époque : "Missoum par échangeoum culturoum, paroloum et époum" ("La Mission par échanges culturels, puis par la parole, puis par l’épée").

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Cela avait super contrarié Godfred, le roi viking de l’époque, et c’est comme ça que lui et sa horde avaient un jour décidé d’aller revoir ma Normandie.

Pendant que ces événements fâcheux avaient lieu dans cette partie de Gaule franque qu’on appelait la Basse-Neustrie, les femmes vikings, comme d’habitude, se tapaient tout le boulot, enfin les concubines, parce que pour ce qui était de la femme en chef, elle avait une place privilégiée.

Que je vous narre la chose par le menu : en fait, pour nos ancêtres les Vikings, il n’y avait que deux saisons : l’été et l’hiver. L’été, on allait guerroyer et jouer à la bataille navale, mais quand l’hiver arrivait, que les récoltes étaient rentrées, le foin coupé, le poisson séché et la bière brassée, les hommes commençaient à se languir et c’est comme ça qu’ils eurent l’idée de se fiancer pour occuper leurs longues soirées d’hiver. Le mariage avait lieu l’année suivante, enfin l’hiver suivant, pour les mêmes raisons qu’expliquées ci-dessus. Il y avait la cérémonie du bain de la mariée, avec les demoiselles d’honneur, après que les cheveux de la future eussent été relevés et attachés avec un ruban ou un bijou. Ensuite, toute parée elle attachait à sa ceinture les clés de la maison et du coffre car c’est cette première épouse qui devenait la Húsfreyja : la Maîtresse de Maison.

Muni du marteau de Thor, le chef de clan présidait la cérémonie en appelant sur les époux le bonheur et la paix par une offrande à Freyja, la déesse de l’Amour et de la Sensualité, et à son frère jumeau Freyr, le dieu de la Vie, du Plaisir et de la Fertilité. S’ensuivait un joyeux banquet, convivial en diable, pendant lequel on se jurait de ne pas tenir compte des obscén propos qui seraient échangés une fois que l’on serait bien ivre. Des toasts étaient portés aux dieux et aux grands Ancêtres, et ces ripailles se reproduisaient hiver après hiver, puisque les Vikings avaient la bonne idée d’être polygames.

C’est pour ça que, comme les hommes s’en allaient tout l’été, la húsfreyja, contrairement aux femmes franques et romaines, jouissait d’un prestige évident, puisque c’était elle la chef dès que son époux avait le dos tourné. Elle faisait par exemple broder par les concubines les belles aubes blanches que les Francs refilaient aux Vikings qui acceptaient de se faire baptiser (il y en a même qui se faisaient baptiser plusieurs fois pour en avoir plein et comme ça elles en faisaient des belles tenues de fête). Il faut dire qu’il y avait déjà tellement de dieux dans leur Panthéon, alors un de plus, un de moins .. Ceci étant, ça a commencé à être vraiment intéressant pour eux lorsque, en échange du baptême, ils ont reçu non pas une vulgaire robe pour les femmes de leur harem mais le territoire qui allait devenir la Normandie, étymologiquement le pays (-ie) des gens du nord (Normand-). 

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Si vous le voulez bien, la prochaine fois je vous raconte comment les choses se sont passées...

 

[1] Charles le Chauve (823-877), petit-fils de Charlemagne, roi franc de la dynastie des Carolingiens. Il doit son surnom au fait qu'il s’était fait raser le crâne lors d'une cérémonie religieuse en signe de soumission à l'Église, vu que les cheveux longs chez les Francs était un signe de pouvoir absolu.

9 décembre 2016

Les chiennes d'Hadès

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Comme je vous l’ai raconté hier, les Érinyes jaillirent du sang tombé dans la mer lorsque Chronos castra Ouranos. Équivalent grec des Furies romaines, les Érinyes sont les déesses infernales de la vengeance et de la haine. Dans le monde antique, nul ne commet parricide, infanticide ou crime contre l'hospitalité sans connaître le courroux des Érinyes – car oui, chez les Grecs d'antan, on pense que les invités sont envoyés par Zeus, le Dieu Suprême, alors en oubliant les règles d'hospitalité avec les invités, on manque de respect à Zeus, et ça les Érinyes, elles tolèrent moyen. Et croyez-moi, personne n’a envie de connaître leur courroux. Jugez plutôt : elles poursuivent, harcèlent, éperonnent jusqu'à ce que l'objet de leur colère en perde la raison, devenu fou par tant de hargne et de persévérance dans la vengeance… Côté physique, elles ne sont pas plus avantagées que leurs copines les Harpies: monstrueuses et effrayantes, elles sont flanquées de grandes ailes, de serpents en guise de cheveux et de sang qui leur coule des yeux. C’est dire si elles sont jolies ! On raconte qu'elles arpentent le Tartare (pas le fromage, le lieu souterrain infernal où sont enfermés les petits malins qui ont défié les Dieux), brandissant torches et fouets, dont elles usent avec dextérité!

Parmi les plus connues de ces charmantes divinités, nous avons Tisiphone (Τισιφόνη), la Vengeance, Mégère (Μέγαιρα), la Haine, et enfin Alecto (ληκτώ), l'Implacable.

Quant aux Harpies évoquées plus haut, on les dépeint souvent comme des vieilles femmes laides, à la peau crevassée, aux ongles crochus, à l'odeur putride, aux ailes menaçantes et au cri terrible. Pourtant, quand Hésiode (fameux poète grec du VIIe siècle avant J.-C.)(mais si, vous le connaissez..) quand Hésiode, disais-je, brosse leur portrait, elles prennent les traits de femmes sublimes à la chevelure d'or et aux ailes d'anges... Quant à Homère (même époque qu’Hésiode) il les décrit comme les déesses de la tempête. Et oui ! Au fil des siècles, de créatures de rêve, elles sont passées à vieilles peaux diaboliques et ornithomorphes. On raconte même que là où elles passent, elles sèment putréfaction, désolation, épidémies, sécheresse et autres terribles drames... On accuse également les Harpies de voler les âmes, de ravir les enfants, qu'elles donnent en présent aux Érinyes !!

Aello et Ocypète, qui sont frangines, ou encore Céléno, sont les plus célèbres Harpies.

Mais n'ayez crainte: de nos jours, les Harpies et les Érinyes ont disparu.

Enfin, il paraît...

8 décembre 2016

Pur et chaste

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Au début était le Chaos. De cette masse informe jaillit Gaïa, la Terre-Mère (ce qui, entre nous, prouve la supériorité depuis toujours de la féminitude sur l’homminitude).

Comme elle se sentait un peu seule, Gaïa se fit un fils: Ouranos, le ciel. En ces temps anciens, il était super beau et toujours bleu. Seulement voilà : même à deux, Gaïa continuait de s’ennuyer ferme. Alors, après s’être ointe d’ambroisie comme plus tard le ferait Héra pour séduire Zeus, elle s’approcha d’Ouranos en ondulant des hanches et elle lui dit : "Ouranou, oh mon Ouranou, ne vois-tu rien venir ?"

Ouranos ne voyait rien venir, car il était pur et chaste ; c’est comme ça qu’il se retrouva le père de ses frères, à savoir la bagatelle de dix-huit enfants, car Gaïa s’ennuyait vraiment beaucoup.

Quand il vit leur tronche, Ouranos éprouva un moment d’accablement bien compréhensible. Il faut dire que les six Titans et les six Titanides géants, les trois Cent-Bras avec leur cinquante têtes attachées à leur dos et les trois Cyclopes avec leur œil en plein milieu du front étaient particulièrement moches.

Il jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus et décida d’expédier tout ce petit monde dans le Tartare, une charmante villégiature souterraine si profonde que si on y jetait une enclume, elle mettrait neuf jours pour atteindre le fond.

Gaïa se mit en pétard. Ah, Ouranos était bien un homme tiens ! Elle le revoyait encore, la langue pendant jusqu'à terre, les yeux hors des orbites, poussant des hurlements inarticulés en bondissant partout avant de lui sauter dessus (on peut être pur et chaste et vite comprendre ce qu'on attend de vous, surtout quand on est du sexe opposé). Et voilà qu'à présent il voulait mettre sa ribambelle à la poubelle sous le prétexte fallacieux qu'elle s'était un peu embrouillée dans l'assemblage ?

Elle tourna les talons en levant le menton d'un air digne et partit méditer un jour ou deux histoire de trouver l'inspiration sur la suite à donner aux événements. Et voici ce que sa divine méditation lui souffla: elle allait remettre à ses fils les Titans une serpe en silex, les sommant de faire à leur père le supplice qu'Abélard rendit célèbre.

Les chers petits en plus d’être moches étaient des couards : plutôt que de s’attirer les foudres du ciel (ahahah le jeu de mots !)(ben oui, quoi : Ouranos, le ciel) (oui, bon..), ils prirent leurs jambes à leur cou.

Seul le plus jeune des sept, Chronos, accepta d’accomplir le sale boulot : s’approchant une nuit d’Ouranos pendant son sommeil, il lui assena un coup de serpe bien placé et s’emparant des délicieuses petites choses sanguinolentes sans lesquelles il n’aurait pas pu faire ce qu’il était en train de faire, il les jeta dans la mer, où elles donnèrent naissance à Aphrodite, la Déesse de l’Amour.

Au passage, une pluie de sang tiède tomba en Gaïa qui surveillait les opérations, et elle se retrouva enceinte des trois Érinyes (*), les déesses de la vengeance.

Comme quoi, il y a une justice, même au pays des Dieux...

Naiss Aphrodite

Naissance d'Aphrodite (Vénus pour les Romains)

Alexandre Cabanel - Musée d'Orsay

(*) Les Érynies grecques sont les Furies des Romains. En fait, la mythologie romaine étant un copié-collé de la mythologie grecque, pour la naissance des Furies il suffit de relire le texte en changeant tous les noms: Terra pour Gaïa, Uranus pour Ouranos, et Saturne pour Chronos.. clin d oeil (2)

 

6 décembre 2016

Un truc inébranlable

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Avec sa longue barbe blanche, son rire puissant et son haleine à décoller les papiers peints, on aurait tôt fait de le comparer à un roc, à un chêne, bref à un truc inébranlable depuis la nuit des temps. Et pourtant. Les apparences sont souvent trompeuses, car le Père Noël, s’il a toujours bien été vêtu de rouge, n’était au départ qu’un jeune homme glabre voyageant sur un ânon.

Mais que je vous narre la chose par son début ..

Il y a bien longtemps était dans une contrée lointaine une ville magnifique qui s’allongeait au flanc d’une falaise abrupte, bercée de soleil et de ciel bleu, répondant au doux nom de Patara (actuelle Turquie). Vivaient là Epiphaneus et Jeanne qui passaient pour les plus fervents croyants de la communauté chrétienne. Pour les récompenser, Dieu dans sa bonté leur octroya le plus beau des cadeaux : un fils, que le couple appela Nicolas.

À peine sorti du ventre de sa mère, Nicolas commença à faire du zèle. Dès le jour de son baptême, il se mit debout tout seul sur ses petites gambettes pour recevoir l’eau sainte. En plus, il ne se mettait au sein de sa mère que les mercredi et vendredi à l’heure fixée par les règles canoniques (permettant ainsi à Jeanne, sa maman, de conserver une poitrine haute et fière et de passer des nuits paisibles).

Devenu grand, Nicolas se mit en devoir de faire quelques miracles. Le premier eut lieu un jour qu’une femme partie à la messe oublia son enfant dans une cuve d’eau chaude sur le feu. Bon, on peut se demander ce qu’il peut bien se passer dans la tête d’une femme qui colle son gamin dans une cuve d’eau placée sur le feu et qui s’en va à la messe comme si de rien n’était. Enfin passons. Toujours est-il qu’en rentrant chez elle, elle trouva l’enfant sain et sauf qui jouait avec de l’eau bouillante. Nicolas était passé par là.

La fois suivante, ce furent trois sœurs tellement tellement pauvres que leur père ne pouvait pas leur donner de dot pour les marier et du coup, s’apprêtait à les livrer à la prostitution (cela peut sembler radical comme mesure pour des gens extrêmement civilisés comme nous. Mais il est un fait qu’autrefois, et jusqu’à une époque relativement récente (XVIIIe siècle), la seule issue pour une femme était de se marier si elle ne voulait pas finir sur le trottoir..).

Nico, dans le profond de son cœur, ne put accepter cela : il vint secrètement une nuit jeter par la fenêtre de leur maison un sac contenant assez d’or pour la dot d’une des sœurs, et refit deux fois le même geste, vu qu’elles étaient trois. C’est comme ça que les trois sœurs purent convoler en justes noces grâce à lui.

Une autre histoire : un jour, un riche paysan organisa une très grande fête. Il invita de nombreuses personnes. Le diable se mêla à la foule travesti en pèlerin. Au moment où le jeune fils du paysan alla se coucher, le diable se glissa dans la chambre de l'enfant et l'étrangla. Heureusement, Nico alerté par SMS sauta sur son blanc destrier et vint ressusciter l’enfant ..

Mais comme l’on sait, ce sont les meilleurs qui s’en vont les premiers : ayant eu la révélation de sa mort prochaine, Nicolas se retira dans le monastère de la Sainte-Sion dont il avait été fait abbé. Ce fut là que, le 6 décembre 343, une petite fièvre mit un terme à quatre-vingt-trois années (environ) d’une vie de bonté bien remplie. Une fois qu’il fut enseveli, de sa tête se mit à couler une source d’huile qui ramenait la santé aux malades et de ses pieds une source d’eau. Du coup l'Église se demanda si elle n'avait pas loupé quelque chose, et se hâta de canoniser Nicolas avant de se mettre toutes ses admiratrices à dos.

Or, à quelques temps de là, des marchands italiens qui faisaient un petit voyage touristique dans le coin trouvèrent bien regrettable que les reliques de ce brave Nicolas dépérissent ainsi loin de chez eux et les ramenèrent à Bari, en Italie, où un chevalier lorrain qui passait par là se saisit de quelques os du saint pour les ramener chez lui.

Et c’est comme ça que d’Asie Mineure, la notoriété du bon Nicolas voyagea jusqu’au nord de la France avant de se propager en Europe, où elle subit les quelques transformations que nous lui connaissons ..

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