Les sens retournés
Bonjour à vous,
désolée pour cet interlude un peu longuet! Pour me faire pardonner, je viens vous raconter la suite de l'histoire des ancêtres de Guillaume le Conquérant.
Je vous souhaite une belle journée!
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Robert et Arlette, les parents de Guillaume
Il était une fois, en l'an de grâce MXXVII, un jouvenceau de 17 ans répondant au nom de Robert et qui était le fils cadet de Richard II, duc de Normandie, lui-même arrière-petit-fils de Rollon.
Un soir que Robert rentrait de la chasse, il fut frappé en pleine face par la beauté d’une jeunesse foulant le linge au lavoir avec ses compagnes, le bliaut retroussé jusqu’aux hanches. "Elle avait couleur plus fine que fleur de rose ou bien d'épine".
Cela devait être, en effet, ravissant.
Le pauvre garçon, les sens tout retournés, guettait chaque jour la jeune fille de la fenêtre de son donjon pour voir si elle venait à la fontaine du val d’Ante, la petite rivière qui coulait au pied de son château de Falaise, alors capitale du duché de Normandie.
Quant la belle n’était pas au lavoir, elle chantait et dansait dans les champs, montrant ses charmes sans la moindre gêne, "ce qui estoit chose bien plaisante", et rendait Robert légèrement congestionné.
Cette nymphe lui apparaissait, ânonnait-il, "sage et aimable et vertueuse et belle, blonde, avec beau front et beaux yeux". Il n'eut plus qu'une idée en tête : la mettre dans son obtenir un rendez-vous galant avec cette Alrez, Herlèva, Arlot, enfin bref : Arlette.
Le soir même, il dépêcha son chambellan auprès des parents d'Arlette, Fulbert et Doda, de simples mais honnêtes bourgeois de Falaise. Le père avait un grand sens de l'honneur : duc de Normandie ou pas, il était hors de question qu’il cédât sa fille sans la promesse d'un mariage en bonne et due forme.
Oui, parce qu’il faut que je vous explique qu’alors, sévissait chez les Normands en général et dans la Normandie ducale en particulier, un type de vie maritale, appelé union More Danico (littéralement : "à la manière danoise"), consistant en une sorte de concubinage, comme je vous l'ai raconté dans le premier texte, ici
.. et plus précisément de polygamage avec enlevage des femmes, voire capturage lorsqu’elles ne mettaient pas suffisamment de bonne volonté à se faire enlever.
Inutile de préciser que ce genre d’union était moyennement appréciée par l'Église.
Or donc, Robert aurait bien concubiné Arlette à la mode de chez lui, d’autant plus que ladite ne semblait pas insensible à son charme. Seulement voilà, elle avait un caractère de cochon. "Je n'ai nullement l'envie, quand le duc me mande à lui, d'y aller comme une fille à soldats ou une pauvre chambrière."
Non. Ce qu’elle voulait, Arlette, c’était arriver en grand apparat dans l'enceinte de la forteresse. Elle éclata donc en sanglots au refus de son père et pleura pendant cinq jours, sans s’arrêter, même pas la nuit. Ce déluge, qui humidifiait tous les lits de la maison, eut le don d’exaspérer prodigieusement Fulbert, qui se résolut à laisser aller sa fille jusqu’au château, juchée sur un palefroi telle une princesse.
Ah ! C’est qu’elle avait un fichu du caractère, la fille du bourgeois de Falaise ! Son abondante chevelure liée par un fin bandeau argenté retombait en mèches blondes sur sa pelisse grise, tandis qu’elle redressait fièrement son nez au vent, telle une Cléopâtre moyenâgeuse.
Devant Robert cependant elle se fit humble, douce et murmurante. Ils parlèrent un peu, se plurent beaucoup, s'apprivoisèrent énormément, se découvrirent à la folie, jusqu’à ce que le jeune homme l’initie à des jeux fort attrayants pour des jeunes gens de leur âge et fit d’Arlette sa frilla …
À suivre..